Slow Food : « L’utilisation durable des pesticides » peut-elle vraiment être durable ?
07 Apr 2021 | French
La consultation publique européenne est notre dernière chance de demander des objectifs contraignants
L’UE révise actuellement la directive sur l’utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (UDP) promulguée en 2014 dans le but de réduire les risques et impacts de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement, et de promouvoir l’utilisation d’une lutte intégrée contre les organismes nuisibles, ainsi que des approches ou techniques alternatives non chimiques aux pesticides en Europe. Dans son rapport sur les progrès effectués dans le cadre de cette directive, la Commission européenne a conclu qu’une majorité des États membres n’avaient ni réussi à promouvoir une utilisation durable des pesticides ni atteint les objectifs définis par la directive. Si l’on s’intéresse aux données de la FAO, la situation est inquiétante : en 2017, on déversait en moyenne en Italie 6,1 kg de pesticides par hectare de terres agricoles, soit un total de 56 641 tonnes. La France et l’Espagne en consomment en moyenne moitié moins (3,6 kg par hectare) et l’Allemagne ne dépasse pas les 4 kg. Mais dans tous les cas, ces quantités sont bien trop élevées.
« La révision de l’UDP est notre meilleure chance, et probablement la seule, d’instaurer enfin des objectifs contraignants pour réduire l’utilisation des pesticides synthétiques. Le pacte vert européen et la stratégie De la ferme à la table proposent de réduire l’utilisation et les risques liés aux pesticides de 50 % d’ici 2030. Nous devons toutefois réaffirmer de toutes nos forces ce à quoi des millions de citoyens ont appelé en signant l’ICE Sauvons les abeilles et les agriculteurs: une réduction des pesticides de 80 % pour 2030 et leur suppression totale d’ici à 2035. Pour cela, nous devons instaurer des contributions minimums pour chaque État membre ; améliorer le recueil de données auprès des exploitants sur l’utilisation des pesticides et promouvoir l’agroécologie et le remplacement des pesticides synthétiques par des alternatives, commente Marta Messa, directrice de Slow Food Europe. Sur ce point, Slow Food insiste sur l’importance de limiter au maximum l’utilisation de pesticides, à commencer par l’interdiction de leur emploi à titre préventif, dans l’agriculture, mais aussi chez les particuliers et dans la foresterie. Les pratiques de lutte intégrée contre les organismes nuisibles doivent devenir obligatoires pour les exploitants, fournissant ainsi l’aide nécessaire pour transitionner vers l’agroécologie et encourager les systèmes de gestion agricole rétablissant la symbiose entre abeilles et agriculture. De toute évidence, les alternatives aux pesticides ne doivent contenir ni OGM ni nouveaux OGM, qui perpétuent un modèle d’agriculture s’appuyant sur les monocultures et l’agriculture industrielle, tout en menaçant la biodiversité et la souveraineté des agriculteurs. »
Dans le cadre de ce processus de révision de la directive, la Commission européenne a lancé une consultation publique en ligne visant à recueillir l’avis des citoyens et organisations européens sur les meilleurs moyens de réduire les pesticides au sein de l’UE. Tout le monde peut y participer jusqu’au 12 avril, au lien suivant.
L’UE doit promouvoir de toute urgence la transition vers un modèle agricole favorable aux abeilles, capable de préserver la biodiversité des paysages agricoles et de garantir un avenir durable. Des décennies d’industrialisation continue de notre agriculture et de notre système alimentaire ont contribué de manière significative à un déclin dramatique de la biodiversité et du nombre de pollinisateurs, à la contamination de notre sol et de notre eau, et à la présence de produits chimiques dans l’alimentation des Européens. À l’échelle mondiale, plus de 40 % des espèces de pollinisateurs invertébrés sont en voie de disparition, mettant en danger l’équilibre écosystémique et les services rendus à la société humaine qui en découlent. En Europe, près de la moitié des espèces d’insectes sont en déclin grave et un tiers est menacé d’extinction, 9 % des espèces d’abeilles et de papillons sont menacées d’extinction, 37 % des populations d’abeilles sauvages déclinent de manière drastique, tandis que le déclin des populations de papillons a atteint les 31 % (Liste rouge des abeilles européennes et Liste rouge des papillons européens, IUCN 2015). De nombreuses recherches scientifiques, la Commission européenne et la Cour des comptes européenne ont identifié l’utilisation des pesticides chimiques en agriculture comme l’une des principales causes de ce déclin.
« Pour construire des agroécosystèmes sains et des revenus sûrs à long terme, l’Europe a besoin de systèmes alimentaires agroécologiques diversifiés, fondés sur une agrobiodiversité agricole, peu dépendante aux intrants externes, stimulant les relations sociales et créant des filières courtes. Ils s’avèreront primordiaux pour aider les exploitants à adopter des pratiques agricoles plus douces envers les abeilles et rendre plus attractive financièrement l’adoption de pratiques agroécologiques et de gestion intégrée des nuisibles », conclut Marta Messa. Les années à venir seront critiques pour commencer à transformer notre agriculture et atteindre les objectifs du pacte vert.
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