Le Parlement Européen vote pour une Politique Agricole Commune moins verte en ignorant les demandes de la société civile
14 Mar 2013 | French
Mauvaise journée pour la diversité des espèces et des paysages d’Europe, pour l’atténuation du changement climatique et pour l’adaptation tant attendue de nos pratiques agricoles aux besoins locaux et mondiaux en termes de durabilité sociale et environnementale. Le Parlement n’a pas su répondre à une demande simple : que l’argent public soit dépensé uniquement pour le bien public.
Selon Carlo Petrini, Président de Slow Food International : « Nous ne pouvons sûrement pas nous dire satisfaits du vote du Parlement européen sur la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC). Si plusieurs propositions de la Comagri, comme le système des doubles paiements, ont heureusement été refusées, les eurodéputés ont perdu une occasion unique de marquer l’histoire de l’Europe, en ignorant les demandes de la société civile pour une PAC vraiment plus verte, durable et juste. Les propositions de verdissement les plus importantes n’ont pas été adoptées, faisant par exemple sombrer le système de rotation des cultures. Le Parlement n’a de plus accepté aucune des suggestions proposées par la commission du développement pour réguler le système des subventions à l’exportation ou surveiller l’impact de la PAC sur les relations internationales ».
Dans la période précédant le premier vote du Parlement sur une Politique Agricole Commune vieille de 50 ans, d’aucuns ont été choqués de voir un petit groupe de spécialistes et de lobbyistes du monde agricole figurant au sein de la Comagri, la Commission de l’agriculture du Parlement, présenter un projet violent visant à réinjecter des intérêts commerciaux dans les propositions de réforme de la Commission européenne. Certaines des propositions de la Comagri, parmi les pires et les plus âpres au gain, ont été rejetées par l’assemblée plénière, comme l’idée de doubles paiements aux agriculteurs pour une même mesure environnementale et la dissimulation au public des montants et des bénéficiaires des aides.
En termes “d’anti-verdissement”, la proposition du Parlement la plus significative est sans doute de réduire le pourcentage proposé de surfaces d’intérêt écologique par ferme, de 7% à 3%, qui s’étendrait à 5% d’ici 2016 et éventuellement à 7% d’ici à 2018. Le Parlement a également soutenu la proposition de la Comagri visant à ne pas demander aux agriculteurs mais aux états membres de ne pas exploiter de prairies permanentes supplémentaires.
Plutôt que de renforcer la conception de diversification des cultures de la Commission, déjà faussé à la base, en imposant une rotation obligatoire des cultures, l’assemblée plénière a suivi la Comagri dans sa volonté d’affaiblissement ultérieure de la diversification, au point d’ouvrir la porte à davantage de monocultures en Europe.
Si l’assemblée plénière du Parlement a largement repoussé la tentative de la Comagri d’effacer la majorité de la législation environnementale et sanitaire, à laquelle les agriculteurs doivent adhérer pour recevoir les aides publiques (principe de conditionnalité), elle a cependant accepté d’éliminer des lois importantes, concernant la directive-cadre sur l’eau, par exemple.
Que le lobby agricole n’ait pas obtenu tout ce qu’il demandait et qu’une partie importante des propositions de la Commission ait survécu à la foire d’empoigne agro-business à Strasbourg est un soulagement pour certains. Mais le Parlement a pratiquement déçu toutes les attentes concernant une amélioration des propositions de la Commission.
Une exception notable reste cependant l’autorisation donnée aux gouvernements nationaux de distribuer volontairement des paiements directs de manière légèrement plus équitable, en plafonnant les aides aux premiers hectares (dans la limite de 50 ha) au détriment des hectares restants pour les plus grandes exploitations.
En plus de l’aspect anti-environnemental du vote parlementaire d’hier, aucune suggestion de la Commission du développement du Parlement n’a été adoptée. Ni la fin des subventions à l’exportation, ni la création d’un mécanisme de surveillance de l’impact de la PAC sur les obligations internationales dans le contexte du développement, n’ont été adoptées.
Le Parlement n’a pas entendu les appels répétés d’un très grand nombre d’organisations de la société civile. Il a ignoré leurs arguments et échoué à remettre la politique agricole au centre d’un débat politique important et élargi, portant sur l’ensemble de ses aspects, de la santé à l’environnement en passant par le changement climatique et l’énergie, le développement rural, l’équité mondiale et les opportunités pour la génération à venir.
Au lieu de cela, les querelles de clocher des égoïsmes nationaux, devenues monnaie courante durant ces dernières décennies pour les ministres de l’agriculture, ont malheureusement survécu à l’ouverture démocratique décisionnelle de la PAC. Il semblerait que pour la grande majorité des groupes de parlementaires, la politique agricole soit tout simplement trop complexe et trop ennuyeuse pour faire l’effort d’en comprendre l’impact. Le lobby agricole a toujours argué que ces 40% du budget de l’UE étaient incompréhensibles et intouchables. Aujourd’hui, la majorité a baissé les bras et donné des milliards à des spécialistes et à leurs intérêts particuliers.
Une telle ignorance de la part des parlementaires européens, documenté lors du vote par appel nominal d’hier, refera surface à l’heure de leur réélection en 2014. Améliorer la capacité des Parlementaires européens à comprendre tous les aspects d’une politique européenne agricole et alimentaire, à écouter les voix de ces Européens, et plus particulièrement la jeune génération, qui se battent pour une Europe plus verte et plus juste, pour une agriculture et une alimentation meilleures, devrait être la priorité de chaque parti.
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