La Commission européenne ouvre la porte aux nouveaux OGM

03 May 2021 | French

La Commission européenne fait marche arrière et ouvre la porte à la déréglementation des nouveaux OGM, mettant en danger la liberté de choix des citoyens et des agriculteurs

Slow Food est vivement préoccupé par les conclusions de l’étude de la Commission Européenne sur les “nouvelles techniques génomiques”, qui ouvre la porte à la déréglementation des nouveaux OGM, faisant ainsi fi du principe de précaution.

“Avec le Pacte Vert de l’UE et de la stratégie de la ferme à la table, la Commission européenne s’est engagée à accélérer la transition vers un système alimentaire véritablement durable. En suggérant que les règles européennes sur les OGM doivent être rouvertes, la Commission tombe dans le piège de la facilité assurée par ce genre de solutions technologiques, plutôt que de promouvoir et d’investir dans des systèmes agroécologiques qui bénéficient aux agriculteurs, aux communautés locales et à l’environnement”, déclare Marta Messa, directrice de Slow Food Europe.

Que dit l’étude de la Commission ?

Hier, la Commission européenne a publié son étude tant attendue sur les nouvelles techniques génomiques, requise par le Conseil de l’Union Européenne en novembre 2019. Cette étude se penche sur trois points importants :

  • “Les produits issus des nouvelles techniques génomiques et leurs applications pourraient offrir des avantages aux sociétés européennes et leur permettre de relever des défis majeurs”, notamment “la résilience et la durabilité du système agroalimentaire”.
  • Pour permettre aux nouveaux OGM de contribuer à la durabilité, “un mécanisme approprié pour évaluer leurs avantages devrait être envisagé”.
  • Les règles actuelles de l’UE en matière d’OGM ne sont pas adaptées aux besoins actuels.

L’étude conclut ensuite qu’une nouvelle politique de réglementation des nouveaux OGM est nécessaire. Cette conclusion est vivement alarmante car elle implique une volonté de la part de la Commission d’affaiblir les règles qui régissent actuellement les OGM et l’édition de gènes. La Commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides, assure que “les nouvelles techniques génomiques peuvent favoriser la durabilité de la production agricole, conformément aux objectifs de notre stratégie “de la ferme à la table”.”

L’avis de Slow Food

En 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a statué que l’exclusion des nouveaux OGM de la directive européenne sur les OGM “compromettrait l’objectif de protection poursuivi par la directive et ne respecterait pas le principe de précaution qu’elle vise à mettre en œuvre,”. Avec son étude, la Commission européenne conteste à présent dangereusement ce jugement. C’est une triste nouvelle pour les citoyens européens dont les assiettes risquent d’accueillir de nouveaux OGM sans qu’ils le sachent, ainsi que pour les agriculteurs et les éleveurs, pour lesquels il sera de plus en plus difficile et coûteux de produire des aliments sans OGM.

Les nouveaux OGM présentent de nombreux risques pour la santé humaine, le bien-être des animaux, l’environnement et la souveraineté alimentaire des petits exploitants. Sans réglementation stricte :

  • Les nouveaux OGM ne seraient pas soumis à une évaluation des risques au cas par cas, ce qui signifie que des produits potentiellement dangereux pourraient se retrouver sur les rayons des supermarchés européens.
  • Aucune donnée ne serait disponible pour suivre et retracer les nouveaux organismes et produits OGM qui se retrouvent sur le marché, car ils n’auraient plus besoin d’être étiquetés.
  • Les écosystèmes et la biodiversité pourraient subir de graves dommages, car aucune mesure ne pourrait être prise contre la propagation incontrôlée de nouveaux organismes OGM dans l’environnement. L’agriculture et la production alimentaire reposant sur des sources sans OGM ne pourraient plus être protégées.

“La stratégie de la ferme à la table a pour but de fournir de meilleures informations aux consommateurs, afin qu’en tant que citoyens, ils puissent faire des choix éclairés et contribuer ainsi à la transition vers des systèmes alimentaires plus durables. La dérèglementation des nouveaux OGM signifierait que ceux-ci ne seraient plus tenus d’être étiquetés, en totale contradiction avec les objectifs de la stratégie “de la ferme à la table”. Nous exhortons les États membres à défendre le principe de précaution, la sécurité des citoyens, la liberté de choix des agriculteurs et la biodiversité”, commente Messa.

Contexte:

La technologie du génie génétique a beaucoup évolué depuis l’introduction des premières cultures génétiquement modifiées (GM) il y a plus de 20 ans. Un ensemble de nouvelles techniques de modification génétique a émergé ces dernières années, que les scientifiques appellent collectivement “l’édition de gènes”. L’édition de gènes permet aux ingénieurs génétiques de modifier des gènes existants plutôt que d’ajouter des gènes provenant d’autres espèces. Ces nouvelles technologies sont également appelées “nouvelles techniques de sélection” (industrie agro biotechnologique), ” techniques génomiques novatrices” (Conseil de l’UE) ou “nouvelles techniques génomiques” (Commission européenne). Slow Food appelle ces nouvelles techniques les “Nouveaux OGM” car, selon l’arrêt de la CJUE, il s’agit juridiquement et techniquement de méthodes de modification génétique, qui présentent donc les mêmes risques que les OGM.

En 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJE) a statué que les nouveaux OGM devaient être réglementés au même titre que les OGM dans le cadre de la réglementation européenne, en application du principe de précaution. La décision de la CJUE signifie que la nouvelle génération de cultures et de semences OGM doit passer par des contrôles de sécurité et un processus d’autorisation et d’étiquetage avant d’être mise sur le marché, afin de garantir aux agriculteurs, aux producteurs et aux consommateurs le droit de savoir si un produit alimentaire contient ou non des organismes génétiquement modifiés.

Slow Food réaffirme son opposition de longue date aux OGM, en raison des risques qu’ils présentent pour la biodiversité, des menaces qu’ils font peser sur les moyens de subsistance des petits agriculteurs, et de leur incompatibilité avec un système agricole basé sur l’agroécologie. En outre, les produits issus des techniques de modification génomiques sont couverts par des brevets détenus par une poignée de multinationales. Ces brevets sur les semences ont des conséquences économiques négatives pour le secteur agricole, du fait de la monopolisation et de la concentration du marché des semences. L’agriculture génétiquement modifiée favorise le développement de monocultures intensives qui représentent une menace croissante pour la survie des semences traditionnelles et des communautés rurales elles-mêmes, les privant progressivement de leurs moyens de production et de subsistance.

L’UE doit appliquer pleinement l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2018 et veiller à ce que les nouveaux OGM soient soumis à des contrôles de sécurité et à des exigences d’autorisation. Le 30 mars 2021, une lettre signée par de nombreuses organisations de la société civile a été envoyée au vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, mettant en garde, entre autres, contre les risques de déréglementation des nouveaux OGM.

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