La cinquième édition de Slow Fish, salon international de Slow Food dédié au monde de la mer et aux milieux aquatiques, s’est achevée hier à Gênes, en Italie.
Parmi les nombreux exposants et intervenants du salon bisannuel se trouvaient des membres de la Prud’homie de La Seyne sur mer, dans le Var, également présent à Terra Madre.
Didier Ranc, pêcheur et prud’homme, Elisabeth Tempier, journaliste et fondatrice de la revue et site internet de L’encre de mer, ainsi que Benjamin Lagorce et Laurent Manson, restaurateurs au Castellet (Le pied de nez) ont animé un Atelier du Goût, proposant à la fois une présentation de leur communauté et une dégustation de « poissons oubliés du Var » comme le sévereau, parfois aussi appelé chinchard.
Elisabeth Tempier a d’abord exposé le système des prud’homies, son existence séculaire, son fonctionnement, ses avantages pour l’écosystème et la pérennité des emplois comme des espèces. Elle a aussi souligné les dangers de la surpêche et de la mondialisation. « On affame les pays du Sud pour avoir des étals bien garnis », s’est-elle indignée. Le thème des préjugés et des idées reçues sur certains poissons a également été abordé, appuyé de quelques exemples pertinents comme la langoustine ou la lotte, très prisées aujourd’hui et qui étaient autrefois rejetées par-dessus bord.
Benjamin Lagorce, restaurateur, a expliqué les plats servis au cours de la dégustation et la philosophie de son restaurant : travailler des produits locaux, de saison et de qualité, si possible en protégeant des variétés qui sont menacées d’extinction et en faisant travailler des producteurs et artisans locaux. « Travailler des produits bons, propres et justes demande certes un peu plus de temps et de travail, a-t-il concédé. Proposer un menu à l’ardoise implique de travailler selon le marché, de changer de plats tous les jours, mais surtout de travailler avec créativité, et en retrouvant un certain instinct. C’est plaisant ! »
Didier Ranc a présenté le cas de la petite pêche varoise et souligné que les prud’homies se basent sur l’idée que la mer est un capital à préserver en assurant une gestion pérenne des ressources. Il a déploré le fait que les trop nombreuses interventions européennes menacent le système prud’homal, ne respectant pas les règles que la communauté s’impose à elle-même avec rigueur et dans le respect de l’environnement. « L’environnement, c’est notre quotidien, a-t-il précisé, c’est notre outil de travail, c’est donc notre avenir aussi. Toutes ces réglementations ne s’appliquent pas à chaque cas, parfois elles sont absurdes pour notre littoral à nous. Et moi il me semble surtout que le but de tout cela, en tout cas le résultat, c’est davantage de privatiser la mer que de la protéger. »
Le comité local des pêches du Var essaie depuis quelques années de promouvoir, pour mieux le protéger, le système des prud’homies par le biais d’une démarche qualité sur la valorisation des techniques de pêche. Cette démarche devrait être certifiée par le Bureau Véritas au début de l’été. Certaines prud’homies cherchent également à développer le système des AMAP pour vendre les produits de la pêche, ainsi que divers circuits courts (poissonniers, restaurateurs, etc.).
Notes
Les prud’homies sont des communautés de pêcheurs qui existent en France depuis le XVe siècle. Leur existence ainsi que leurs réglementations sont régies par un décret de 1859 et il en existe actuellement 33 sur le littoral méditerranéen français. Mais ce système unique au monde est mis à rude épreuve pas la multiplication de lois émanant de la Commission Européenne ainsi que par l’industrialisation et la modernisation des moyens de pêche.