«Je suis fier d’être appelé pêcheur»

D. R. Congo | Katanga | Kalemie

Emmanuel Rukengeza Miziro vit à Kalemie, dans la province du Katanga, en République Démocratique du Congo. Il est pêcheur artisanal sur le lac Tanganyika et pratique également le petit commerce de matériel de pêche et quelques activités d’agriculture.

« Deux de mes grands frères étaient déjà pêcheurs quand j’avais environ huit ans ; le matin je me rendais à l’école, et le soir, j’étais à leurs côtés pour voir comment ils préparaient leur matériel de pêche. C’est à ce moment-là que j’ai pris le goût du métier, et en 1980 j’ai commencé à pêcher professionnellement.

Je pêche, je raccommode des filets et je forme des aides pêcheurs. Avec le convivium Slow Food Tanganyika, nous luttons contre la destruction de l’environnement et la pollution des eaux. J’essaie de contribuer à promouvoir une pêche responsable, la protection des espèces et la création de zones de frayères. Mon activité principale est la pêche artisanale. J’utilise diverses sortes de filets, catamaran notamment, mais tous épargnent la vie des alevins et les zones de reproduction des poissons. Je suis navré par la pêche illicite pratiquée par les pêcheurs au filet tirant, qui utilisent des mailles interdites par le gouvernement et déconseillées par tous les défenseurs du lac, notamment Slow Food.

Je me lève tôt le matin, entre 5h et 6h30, et je me couche tard la nuit. A part la pêche, je fais aussi du petit commerce de matériel de pêche et un peu d’agriculture. Ces activités alternatives m’apportent quelques revenus complémentaires et une vie professionnelle diversifiée. Depuis 2005, je suis président d’une coopérative de pêche de 70 membres, la Coopérative MUUNGANO des pêcheurs, ou COOPEMU, créée en 1989 ; je suis aussi le trésorier du Collectif des associations et de la coopérative des pêcheurs du Tanganyika, ou COOPETANG, et enfin je suis membre du convivium Slow Food Tanganyika.

Pour la pêche, nous travaillons en équipe avec les collègues membres de la coopérative des pêcheurs. Puis nous vendons aux maraîchères, à la coopérative, directement aux consommateurs et aux commerçants du Kasaï. Mes rapports avec la communauté sont bons, amicaux même souvent.

La pêche artisanale est moins chère que la pêche industrielle ou même semi-industrielle, et dans le fond, c’est surtout grâce à cela qu’elle est encore pratiquée par la majorité des pêcheurs ici.

Plus de 80% de la population de Kalemie vit de la pêche, ce qui engendre une surexploitation des eaux du lac Tanganika et des rivières. Mais grâce aux efforts locaux et régionaux, la capture a sensiblement diminué ces dix dernières années.

Le lac Tanganyika est le poumon économique pour tous les habitants des villes et villages côtiers, mais c’est aussi le poumon écologique. Il est impératif que le lac et les rivières soient protégés par des lois votées au Parlement et par leur application effective ; il faut que la pêche intensive soit neutralisée sur le lac Tanganyika dans son ensemble, il faut contrôler la pêche illégale et promouvoir la pêche responsable.

Pour ma part, je suis fier d’être appelé pêcheur, en grande partie parce que j’ai le sentiment de faire de mon mieux. J’ai toujours adhéré aux campagnes de Slow Food Tanganyika sur la protection de l’environnement et je suis pour les projets d’appui aux programmes régionaux d’aménagement intégré du lac Tanganyika.

En tant que premiers bénéficiaires des produits des lacs et des rivières, les pêcheurs dans leur ensemble devraient jouer le rôle qui est le leur, c’est-à-dire protéger, sécuriser et conserver jalousement ce patrimoine naturel pour les générations futures.»

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