François Pasteau
France | Paris
François Pasteau est chef de l’Epi Dupin, dans le 6e arrondissement de Paris. Avec l’aide d’une ONG, il s’informe pour faire de meilleurs choix en matière de produits de la mer, et tente de faire découvrir à sa clientèle des espèces peu connues et plus durables. Père de famille, amateur de nature, il pratique notamment la natation, le ski et la randonnée.
«J’ai fait un apprentissage classique – il y a trente ans déjà! Robuchon, Henri Faugeron, Michel Kerever, François Clerc… J’ai aussi passé quatre ans à Greenwich, Connecticut. Et puis j’ai ouvert l’Epi Dupin en 1995. C’est un espace d’environ 50 couverts, avec un menu à l’ardoise qui change tous les jours, selon l’humeur mais surtout selon le marché! Nous avons une clientèle d’habitués pour la majorité. Nous fermons le week-end, ce qui nous permet, à moi-même et à mon équipe, de ménager du temps pour notre vie personnelle. Je trouve cela juste pour tout le monde.
J’ai commencé à travailler le poisson dès l’ouverture de l’Epi Dupin en 1995. Je choisissais des poissons simples, sans prétention, mais de saison. Je l’avoue, au début, c’était surtout pour des raisons économiques… Et puis petit à petit, j’ai approfondi. J’ai cherché à comprendre, à m’informer. Il faut être humble, les erreurs sont inévitables, personne ne fait les choses parfaitement à 100% quand il s’agit de servir des produits de la mer.
Et puis j’ai rencontré l’ONG Seafood Choices Alliance Produits de la Mer. J’utilise leurs matériaux pour chercher l’info (site, guide d’achat, etc.)Je donne aussi des cours à l’ESCF, j’essaie de sensibiliser les étudiants à la question de la pêche.
Pour avancer, il faut que tout le monde s’y mette, les pêcheurs, les mareyeurs, les grossistes, les chefs. Mais pour les restaurateurs c’est une autre histoire: il n’y a pas de normes, pas de règlementation, aucune obligation d’informer le client ni sur la provenance du poisson, ni sur le mode de pêche, ni rien. Quand on pense à toutes les réglementations pour les pêcheurs et poissonniers, il y a quand même des choses à revoir. Le public, qu’il s’agisse de professionnels ou particuliers, se trouve face à une surabondance d’informations dans laquelle il se sent perdu.
Pour ma part, puisqu’il est difficile de réunir tous les critères d’un poisson durable, en général je privilégie en premier lieu un produit de saison, c’est le critère plus accessible puisque je connais les saisons. Pour le reste, je me documente et je parle avec mes fournisseurs. Après la saisonnalité, je privilégie au maximum des produits issus de la pêche artisanale.
En ce qui concerne les clients, ils ne sont pas forcément informés sur le sujet. Ils se plaignent parfois, regrettent de ne pas voir de thon rouge sur la carte mais plutôt des poissons qu’ils jugent méconnus ou bas de gamme. C’est en priorité à nous, restaurateurs, de faire découvrir au public un produit qu’il ne connaît pas et qu’il n’achèterait pas sinon.
Nous avons un rôle à jouer, par l’aspect gustatif avant tout : marier les saveurs, séduire les papilles des gens avec un poisson inattendu, leur ôter leurs idées reçues et surtout leur donner des idées pour cuisiner ces poissons chez eux, sans appréhension.
Mais je crois que les restaurateurs peuvent aussi faire pression sur les mandataires, comme ils l’avaient fait pour les légumes. C’est à nous d’insister pour obtenir de bons produits, parce que nous avons un impact auprès du client. Il ne faut pas oublier que le client fait la loi, même si c’est individuel et à petite échelle. Si le client dit non, c’est tout le marché qui devra s’adapter.
Par ailleurs, il me semble que de plus en plus de pêcheurs et de professionnels de la mer prennent conscience qu’il faut agir, les choses commencent à bouger. Et la jeune génération les fera je crois avancer plus encore.
Ma plus grande frustration? Même si je travaille avec des pêcheurs bretons et que le poisson est chez moi très rapidement, je regrette de ne pas travailler face à face avec un petit pêcheur. Tout chef, surtout s’il est soucieux de son produit, rêve d’avoir son pêcheur à côté… Mais à Paris bien sûr c’est un peu compliqué!»