Antonio Terzano
Qualité et Passion, une combinaison gagnante
Italy | Molise | Termoli
Antonio Terzano est le propriétaire de l’Auberge dentro le Mura. Pendant la dernière édition de Slow Fish (Gênes, mai 2011) il était le coordinateur des restaurateurs de l’Alliance. Il nous raconte son histoire et sa philosophie en cuisine.
« Mes parents étaient enseignants. C’est peut-être pour çela que je pense que la culture est fondamentale, et encore plus lorsque l’on travaille dans la restauration puisque l’on est en contact permanent avec le public.
J’ai dû commencer à travailler assez tôt car ma mère est décédée dans un accident de la route lorsque j’étais petit. J’ai débuté comme serveur pour gagner ma vie. La cuisine m’a toujours passionné, pendant mes études d’économie à Modena mes amis me demandaient de leur cuisiner chaque soir un plat différent. Ma maison a toujours été un moulin !
Après avoir travaillé pendant de nombreuses années dans ce secteur, j’ai compris comment il fonctionnait et j’ai acheté un bar. Je l’ai transformé en auberge où nous faisons une cuisine de terre et de mer.
J’ai eu la chance d’avoir un grand-père paysan et un autre pêcheur, et mon frère est producteur d’huile. Avoir une famille active dans le domaine de l’agriculture m’a donné la possibilité d’avoir de nombreux contacts parmi les fournisseurs et, si la plupart ne l’étaient pas encore, ils sont devenus peu à peu des amis.
Ma philosophie en cuisine est singulière, et cela depuis que j’ai ouvert mon auberge. Au début cela n’a pas été facile, en ces années-là, si tu ne te préoccupais pas de la quantité, tu n’étais pas « dans le coup ». Mais aujourd’hui la restauration a changé, et mon choix s’est avéré de plus en plus valorisant au fil des années.
Mes fournisseurs sont surtout des petits pêcheurs et des petites embarcations de pêche. J’essaie toujours de les mettre en contact avec mes clients pour que ceux-ci écoutent leurs histoires, qu’ils entrent dans leur monde, qu’ils observent les problèmes rencontrés par les pêcheurs et la valeur de leurs efforts.
Les pêcheurs de l’Adriatique essaient par exemple de réduire les quantités pour obtenir une meilleure qualité et donner ainsi une valeur ajoutée au poisson. Ils partent en mer seulement trois fois par semaine, au lieu de quatre, pour ne pas dévaloriser leur pêche. Ainsi, en diminuant la quantité pêchée on peut augmenter considérablement la valeur du poisson.
Ces mesures ont été efficaces, surtout dans des régions comme les Marches et l’Emilie Romagne, et elles ont ensuite été adoptées par d’autres régions riveraines de l’Adriatique. Il n’y a que la région des Pouilles qui se laisse encore guider par le concept de quantité.
La pêche artisanale représente l’avenir du secteur de la pêche. Le temps des grandes quantités est révolu et on retourne à une activité définie par d’autres paramètres: la qualité, le produit local, la fraîcheur…
Personnellement, en tant que restaurateur, je ne choisis que du poisson local, frais et sélectionné. Les embarcations n’ont pas toutes les mêmes méthodes de pêche, et certaines ne traitent pas correctement le poisson : elles n’utilisent pas de glace, ne stockent pas le poisson en position horizontale et il devient mou avec le ventre gonflé. Dans le cas des calamars, il faut par exemple faire de petits cageots, pas trop lourds, autrement les calamars qui se trouvent au fond du cageot chauffent et s’abîment.
Je sais tout de mon travail, de l’origine au produit fini. C’est ma passion qui me pousse à m’informer et à mieux connaître ce que je touche avec mes mains. Et puis j’aime raconter au client tout ce que je sais et lui expliquer pourquoi je propose ce poisson dans le menu plutôt qu’un autre. Aujourd’hui par exemple, j’ai acheté des mulets, qui ne coûtent pas chers.
Les nouveautés ne sont pas toujours bien accueillies par le client, surtout s’il y a une mauvaise image attribuée à une espèce particulière, comme c’est le cas pour le mulet. Peu de personnes savent qu’il existe deux types de mulet qui sont de qualité et de goût différents. Ceux qui vivent au large des côtes sont délicieux et font partie de notre tradition culinaire alors que ceux qui vivent en bord de mer nagent au contraire dans des eaux sales et ont un goût de naphte, le gasoil des bateaux.
Beaucoup de cuisiniers ne savent pas s’orienter devant l’étal de poissons au marché. Il ne suffit pas en effet de savoir ce que l’on va acheter, il faut aussi savoir de quelle façon bien valoriser le poisson ! Moi par exemple j’ai découvert que le maquereau était délicieux avec des poivrons.
Pour penser aux plats, la connaissance des propriétés organoleptiques des différentes espèces est fondamentale. Si vous proposez un poisson peu connu et vis à vis duquel les clients ont des doutes, il vous faut le cuisiner de la meilleure façon, sans quoi vous ne convaincrez personne que cette variété ‘négligée’ puisse être une alternative viable.
Pour cuisiner le poisson il suffit d’avoir un four à gaz (pas à induction autrement vous n’aurez pas le contrôle de la flamme !), un grill pour le poisson rôti et une poêle pour le frire.
Notre cuisine mesure deux mètres et demi sur deux. La cuisine est visible depuis la salle, les clients me voient, ils me posent des questions et je ne perds jamais une occasion de bavarder un peu avec eux. Ce que je veux pour mes clients c’est une expérience à 360°, ils doivent se sentir impliqués, accueillis et totalement à l’aise !
Hier, l’Auberge dentro le mura a gagné son escargot, une distinction décernée non seulement aux lieux où l’on mange particulièrement bien, mais également à ceux où l’on se sent aussi un peu comme chez toi.
Dimanche nous célébrerons cette reconnaissance avec tous les fournisseurs et les amis qui l’ont rendu possible, en travaillant ardemment tout au long de ces années! »
Antonio Terzano
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