La décision des Nations Unies a déclaré 2014 comme l’Année internationale de l’agriculture familiale, ce qui est le signe d’une prise de conscience de ce qu’il faut pour construire un monde durable, et dans lequel la sécurité alimentaire est garantie. Ou, plus précisément, de qui il faut.
Nourrir le monde de manière durable
Une étude de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (https://www.fao.org FAO), menée dans 93 pays, a révélé que les exploitations agricoles à caractère familial représentent en moyenne plus de 80 % de toutes les structures consacrées à l’agriculture. Dans les pays développés comme ceux en développement, ce sont les principaux producteurs d’aliments destinés à la consommation locale, les partisans les plus importants de la sécurité alimentaire et les défenseurs les plus fervents des ressources naturelles et de la biodiversité de leurs communautés.
Malheureusement, les petits propriétaires d’exploitations familiales constituent également la majorité de la population mondiale qui souffre de malnutrition chronique. Plus de 70 % des 842 millions de personnes dans le monde qui vivent dans des conditions d’insécurité alimentaire vivent dans les zones rurales des pays en voie de développement. Ils peinent à produire de la nourriture ou obtenir un revenu suffisant pour répondre aux besoins de première nécessité.
Pour atteindre leur potentiel de production maximum, ces agriculteurs vulnérables ont besoin d’une assistance technique et de politiques fondées sur leurs connaissances, qui renforcent la productivité de manière durable ; de technologies appropriées ; d’interventions de qualité qui répondent à leurs besoins tout en respectant leurs cultures et leurs traditions ; de soutien envers les femmes et les jeunes agriculteurs ; d’organisations et coopératives de producteurs plus solides ; d’une amélioration de l’accès à la terre, à l’eau, aux crédits et aux marchés et une plus grande participation dans la chaîne de valeur.
Pendant des décennies, les agriculteurs d’exploitation familiale ont été considérés comme faisant partie du problème de la faim et de la pauvreté. Au contraire, avec le soutien approprié, ils peuvent être la solution à certains des plus grands défis de notre époque : répondre à la demande alimentaire de la population mondiale croissante ; supprimer les déchets alimentaires ; empêcher la dégradation des ressources naturelles, la perte de la biodiversité, le changement climatique et la rareté de l’emploi juste.
La conservation et l’utilisation durable des ressources naturelles sont inhérentes à la logique productive des exploitations agricoles à caractère familial, et c’est ce qui les distingue des exploitations spécialisées de grandes dimensions, même si l’agriculture à grande échelle joue un rôle majeur car elles assurent l’approvisionnement alimentaire mondial. La nature très diversifiée des activités agricoles familiales leur confère un rôle primordial dans la diffusion de la durabilité environnementale, la préservation de la biodiversité, en contribuant aussi à une alimentation plus saine et équilibrée.
La leçon des petits agriculteurs
Nous avons beaucoup à apprendre des pratiques durables des petits et moyens cultivateurs, des populations indigènes, des agro-sylviculteurs, des pêcheurs, des bergers, et bien d’autres encore. Soit parce qu’ils construisent des terrasses aux Philippines, soit parce qu’ils adoptent des techniques de défrichage-zéro en Zambie, les agriculteurs familiaux ont toujours réussi à maintenir des terrains productifs souvent marginaux.
Les exploitations agricoles à caractère familial constituent aussi le pilier de la production locale, du commerce et de la consommation, et sont essentielles pour l’amélioration de l’alimentation, la création d’emplois et de revenus, le soutien et la diversification des économies locales.
L’Année internationale de l’agriculture familiale (https://www.fao.org/family-farming-2014/en/) non seulement attire l’attention sur ce phénomène, mais fixe les objectifs à atteindre. Elle encourage les gouvernements à mettre en œuvre une politique plus efficace, à fournir un soutien institutionnel aux exploitations familiales et à considérer comme la priorité la contribution des organisations des agriculteurs familiaux dans les processus de formation du consensus décisionel.
L’expérience montre que les exploitations familiales sont en mesure de soutenir pleinement l’augmentation de la production si on leur assure l’environnement politique approprié. Certains gouvernements ont pris des mesures concrètes dans ce sens. Vers la fin de l’année 2013, par exemple, le Parlement andin, représentant cinq pays d’Amérique du Sud, a approuvé une résolution qui prévoit la mise en œuvre de certaines politiques publiques pour le développement durable des structures agricoles sur la base de la cellule familiale.
Les agronomes, économistes, nutritionnistes, vétérinaires et autres professionnels de notre organisation travaillent avec les gouvernements, les associés et les familles à travers le monde pour promouvoir des systèmes agricoles et alimentaires durables. Nous avons vu que les changements politiques et institutionnels, lorsqu’ils sont accompagnés d’un soutien au niveau communautaire, comme le projet de Slow Food pour construire 10 000 jardins en Afrique (https://www.fondazioneslowfood.it/it/263/slow-food-in-africa), peuvent conduire à des résultats concrets qui améliorent la vie de millions de personnes.
Les chefs d’État africains, comme d’Amérique latine et des Caraïbes, se sont engagés à mettre fin au fléau de la faim dans leur pays d’ici 2025. C’est certainement un objectif ambitieux, mais pas impossible s’il implique les exploitations agricoles familiales.
José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO.