Cultiver des fleurs pour sauver la planète, avec Dave Goulson

« Partout où il y a des abeilles, il y a des fleurs, et partout où il y a des fleurs, il y a de la vie et de l’espoir », déclare Christy Lefteri dans son roman de 2018 intitulé L’Apiculteur d’Alep. Ce livre traite de l’histoire d’un réfugié syrien ayant fui la guerre civile dans son pays et emportant avec lui une reine des abeilles qui l’accompagne dans tout son périple en Europe.

C’est un sentiment qui se reflète dans la réalité : nous ne comptons plus le nombre de scientifiques nous ayant alertés concernant la catastrophe imminente que représente l’extinction des pollinisateurs. En effet, un monde sans abeilles est un monde sans espoir. Mais nous n’y sommes pas encore et, comme l’affirme Dave Goulson, professeur de biologie à l’université du Sussex, nous pouvons tous contribuer à sauver le monde grâce à un acte simple, mais beau : cultiver des fleurs pour nos amis férus de nectar.

Bien qu’aujourd’hui nous ne publiions qu’un court extrait vidéo de sa conférence sur le thème de l’alimentation pour le Salone del Gusto de Terra Madre (l’épisode complet, ainsi que tous ceux de la série, sortiront le 9 octobre), nous avons interrogé Dave concernant les actions à mettre en place, leur nécessité et comment les initier.

Nous nous sommes habitués à l’idée que les insectes pollinisent les cultures. Mais contribuent-elles autrement à notre système alimentaire ?

« Les insectes représentent une source de nourriture pour un grand nombre d’organismes, dont des humains dans de nombreux pays. En retour, les insectes tels que les coccinelles, les chrysopes et les syrphidés s’occupent de chasser les nuisibles dans les cultures.

Les insectes ont également un rôle essentiel dans le recyclage du fumier, des arbres morts, des cadavres et de toute matière organique. Ils forment ainsi un pilier essentiel du système organique reposant sur le recyclage ou la matière organique. Ils aident également à maintenir les sols sains et aérés. Il n’existe presque aucun procédé écologique sur terre ou dans l’eau qui n’inclue pas d’insectes. »

Pourtant, nous manquons à notre devoir envers ces animaux. Quelle influence négative cela a-t-il ?

« On connaît notamment l’étude de 2017 publiée en Allemagne, qui semblait démontrer qu’on observait une diminution de 76 % de la biomasse des insectes volants au cours des 26 dernières années. Mais de nombreuses autres études existent également. »

Voici un autre exemple emblématique de notre détachement vis-à-vis de la nature et de notre capacité à n’observer les changements dans les écosystèmes que lorsqu’ils influent (littéralement) sur notre monde mécanisé : le « phénomène des pare-brise » (windshield phenomenon, en anglais). Il consiste à démontrer que les automobilistes ne nettoient plus aussi souvent qu’auparavant leur pare-brise à cause d’insectes écrasés. Cela peut sembler anodin, mais une étude danoise conduite pendant 20 ans a observé une diminution de 80 % de la quantité d’insectes sur la période donnée. Étant donné que les insectes jouent un rôle fondamental dans presque tous les écosystèmes, un tel déclin aura des conséquences désastreuses, à moins que nous n’agissions vite. Fort heureusement, comme le dit Dave Goulson : « la bonne nouvelle, c’est que c’est plutôt simple à faire. Nous pouvons normalement inverser la tendance. »

Par où commencer?

Tout commence par le jardin. « Si vous avez un jardin, quel qu’il soit, vous pouvez l’aménager pour les insectes. Vous pouvez y cultiver des fleurs pour les attirer, leur fournir des endroits calmes où bâtir leur nid, etc. J’ai écrit un livre entier, The Garden Jungle, qui indique comment inviter les insectes à vivre à vos côtés. »

En effet, un chapitre complet de The Garden Jungle, intitulé « Jardiner pour sauver la planète », se consacre au sujet, fournissant des détails précis, mais simples :

Tout le monde peut avoir un joli jardin productif et vivace, sans pour autant avoir à acheter grand-chose. Le meilleur endroit pour trouver vos plantes, c’est chez vos voisins, votre famille ou vos amis. La meilleure façon de découvrir les plantes qui pousseront bien dans votre jardin, c’est d’observer ceux aux alentours. La plupart des plantes se propagent très facilement et les jardiniers enthousiastes sont généralement très heureux d’échanger ou de donner des pousses de leurs plantes. Il n’est absolument pas nécessaire d’utiliser des fertilisants ou des pesticides artificiels… À part des outils de jardinage de base, vous n’aurez rien d’autre à acheter. Jardiner peut s’avérer une activité véritablement écologique, en plus d’être potentiellement la solution pour sauver la planète.1

On ne cesse jamais d’apprendre. Quelles sont les prochaines étapes ?

« Je pense que je vais être occupé un bon bout de temps à essayer de faire prendre conscience aux gens de l’importance des abeilles et des autres insectes. J’ai d’autres livres à écrire, notamment Silent Earth, qui sort bientôt. Je continue également à faire des recherches sur l’écologie des abeilles et sur l’influence des pesticides. Il y a encore tant de choses que nous ne comprenons pas. »

Restez à l’affût des conférences sur le thème de l’alimentation du Salone del Gusto de Terra Madre et améliorez votre compréhension de chacune des composantes du monde alimentaire et des écosystèmes qui le rendent possible.

Par Jack Coulton

Dave Goulson est le protagoniste d’une conférence sur le thème de l’alimentation, un nouveau format en libre accès du Salone del Gusto de Terra Madre. Chaque invité dispose de 10 minutes pour exposer son point de vue concernant le monde dans lequel on vit et sa vision de l’avenir. La conférence complète de Dave Goulson, et tous les épisodes de la série, sortiront le 9 octobre.

1extrait de The Garden Jungle par Dave Goulson (Vintage, 2020)

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