Résistance du Lait Cru

12 Août 2015

Milk Resist MU

Slow Food s’engage depuis des années dans la défense des productions fromagères au lait cru. Quels ont été les résultats et quels sont les défis encore devant nous ?

Une résistance qui dure depuis 20 ans. Une Résistance Fromagère. Il s’agit de l’engagement de Slow Food aux côtés des petits producteurs pour défendre leur dignité contre des règlements obsédés par l’hygiène et les tendances de marché. Pour défendre les saveurs originales et authentiques des fromages au lait cru des quatre coins de la planète.

Cheese, l’évènement biennal dédié au lait sous toutes ses formes (à Bra, du 18 au 21 septembre prochains), la campagne Résistance Fromagère et les Sentinelles Slow Food pour protéger les fromages au lait cru et les races locales font partie des stratégies que Slow Food a mis en œuvre pour soutenir la petite production fromagère.

Mais 20 ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Quelles batailles ont été gagnées et quels défis sont encore devant nous ? On en parle avec Piero Sardo, président de la Fondation Slow Food pour la Biodiversité.

Avant toute chose, le lait cru. Une bataille culturelle gagnée avec de nombreux compagnons de route, comme nous le raconte Piero Sardo : « C’est en 2001 que l’on a lancé la campagne Résistance Fromagère. Le Manifeste Slow Food pour la défense du fromage au lait cru a très vite rassemblé 20 000  signatures. La méfiance des consommateurs à ce sujet était très élevée et les producteurs faisaient face à des lois très rigides en matière d’hygiène qui mettaient en péril leur façon de produire, quand elles ne l’interdisaient pas complètement. La campagne a eu un grand succès, nous avons eu le mérite d’imposer un paradigme différent. » Les initiatives Slow Food de sensibilisation se sont multipliées dans le monde entier : des campagnes sont nées au Brésil, Canada, Etats-Unis, en Irlande, Afrique du Sud et dans de nombreux autres pays pour garantir aux consommateurs la liberté de choisir leurs aliments et aux producteurs le droit de produire de bons fromages au lait cru.

Un défi de taille reste celui de la crise l’élevage et de la transformation du lait en montagne. Slow Food s’est engagé avec le lancement de Sentinelles dans les régions reculées et travaille avec des communautés paysannes qui protègent les races locales, les recettes traditionnelles et qui produisent encore en altitude. Mais le chemin est ardu, et le travail pour leur garantir un revenu convenable est encore énorme. En particulier pour la filière ovine : aujourd’hui la laine, à l’exception de celle issue de quelques races très prisées, est un déchet et donc un coût ; le lait est vendu à moins d’un euro le litre et la consommation des fromages de brebis affinés est en chute constante. Sans oublier la difficulté à vivre sur des territoires comme les montagnes italiennes, souvent abandonnés, peu valorisés et donc de plus en plus fragiles au niveau environnemental, social et économique.

Parlons maintenant des ferments lactiques, peut-être la bataille la plus compliquée et difficile. Les saveurs des fromages se rassemblent de plus en plus. Nous ne parlons pas seulement des productions industrielles, mais aussi des artisanales – au lait cru, élaborées avec des techniques spécifiques et des races animales différentes, et parfois même celles faites en alpages. Les ferments lactiques sont les bactéries qui transforment le lait en fromage. Ils se trouvent naturellement dans le lait, sur les mains de la personne effectuant la traite, sur les pis des animaux, dans les seaux utilisés pour la traite, sur les ustensiles en bois… Mais aujourd’hui la traite à la main est très rare, le bois banni des ateliers de transformation ; le lait passe de tuyau en tuyau, tous en inox, dans un environnement dont l’hygiène parfaite tue la flore bactérienne. Il faut donc ajouter des ferments lactiques également au lait cru, comme on le fait pour le lait pasteurisé. Ainsi se perd de manière irrémédiable la relation vivante avec le territoire. Une solution existe pourtant : produire ses propres ferments à partir du lait fourni par la ferme. Slow Food travaille depuis des années avec des experts, microbiologistes et techniciens alimentaires pour aider les producteurs dans cette démarche et s’engage dans la mise au point de nouvelles technologies qui pourraient faciliter leur travail dans cette direction.

Enfin, parlons du prix (très bas, de l’ordre de 36 centimes le litre) du lait et de sa transformation en marchandise quelconque, notamment depuis l’abrogation des quotas laitiers. Ajoutons à cela l’avertissement donné par l’Union européenne il y a quelques semaines au gouvernement italien au sujet de la loi interdisant l’utilisation du lait en poudre dans la production fromagère. Slow Food s’est tout de suite mobilisé pour défendre cette loi positive et a lancé une collecte de signatures pour dire non à l’utilisation du lait en poudre. « Parce que, souligne Piero Sardo, nous sommes face à une question politique et culturelle d’extrême importance. Le fromage est un pan de notre civilisation qui est né avec la domestication, il y a 10 000 ans, et qui accompagne depuis l’histoire de l’Europe. Le lait est la raison d’être du fromage, et non pas seulement un de ses ingrédients. Pour cette raison, il est fondamental de sauvegarder ses caractéristiques, son lien avec le territoire. L’adjonction de lait en poudre est une dégénérescence du processus d’industrialisation. Elle n’a aucun sens, en dehors de celui de la rentabilité. »

Résister, donc, parce que c’est seulement en semant des graines de culture alimentaire que le monde des fromages et du lait peut changer. Résister et informer clairement le citoyen pour qu’il prenne ses responsabilités. Payer plus qui travaille mieux, en expliquant au consommateur la différence. Un défi complexe mais nécessaire.

Nous parlerons de tout cela, et de bien d’autres choses encore, lors de la quatrième journée de Cheese.

Venez nombreux à Bra et rejoignez la Résistance Fromagère !

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