La réponse de Carlo Petrini à Il Giornale à propos de 1000 jardins en Afrique

23 Juin 2014

petrini_africaUn quotidien italien a récemment publié un article titré « Les jardins d’or de Slow Food », déclarant que Slow Food a intégré le « business » du développement international en rassemblant des fonds pour créer 10 000 jardins en Afrique et en utilisant 70% des dons pour rémunérer sa propre structure. D’après l’article, « Chaque jardin potager demande un investissement de 900 euros. Ce n’est pas rien. Puis on a découvre que le jardin en lui même coûte 250, le reste est “une usine à gaz“ ».

Une critique si forte n’est pas basée sur une réelle connaissance de notre projet 10000 Jardins en Afrique. L’auteur de l’article n’a pas contacté Slow Food pour s’informer, ni parlé aux coordinateurs de jardins Africains, ni visité les jardins Slow Food en Afrique. A la place, il n’a pas fait plus que regarder un tableau sur notre site internet et en donner son interprétation personnelle, cherchant à discréditer un des plus importants projets de Slow Food, projet qui implique plus de 50 000 personnes en Afrique et qui mobilise des dizaines de milliers de membres et de militants autour du monde.

Expliquons ce tableau. Pas vraiment pour répondre à cet article, mais par respect pour notre réseau de donateurs, qui croient en ce projet, et qui compte des dizaines de milliers de personnes qui ont apporté leur contribution en faisant l’effort de rassembler plusieurs petites sommes, participant chaque jours aux activités bénévoles, et par respect pour notre réseau Africain, fait de nombreux jeunes, femmes, fermiers, enseignants, étudiants et chefs travaillant dans 30 pays.

En Afrique Slow Food n’est pas simplement en train de créer un certain nombre de jardins potagers (cent, mille ou dix mille) mais promeut une idée de l’agriculture basée sur la compréhension du territoire et le respect de la biodiversité et des cultures locales. Une agriculture capable de nourrir les communautés Africaines sans dénaturer les relations sociales et dévaster l’environnement, mais se basant sur la dignité des communautés (leur histoire, leur sagesse) et le respect du territoire et de son équilibre écologique. C’est pourquoi, dans les jardins Slow Food, des variétés traditionnelles de légumes, de fruits et d’herbes culinaires et médicinales sont plantées (celles les mieux adaptées aux conditions locales), des pépinières sont construites pour reproduire les semences (ainsi elles n’ont pas à être achetées tous les ans et cela préserve la biodiversité); les déchets verts, le fumier et les cendres sont compostés pour les engrais (afin d’économiser de l’argent et d’éviter de tuer les sols avec des engrais chimiques), l’eau est économisée (en récupérant l’eau de pluie, en maintenant l’humidité du sol par de bonnes pratiques comme le paillage et l’utilisation de l’irrigation au goutte à goutte); la récolte est consommée à la maison ou dans les écoles (pour les jardins scolaires) et le surplus est vendu aux marchés locaux ou aux petits restaurants à côté des jardins potagers (tels qu’au jardin communautaire de Ouagadougou, au Burkina Faso).

Tout cela nécessite des personnes formées et conscientes. Cela nécessite de jeunes leaders qui peuvent motiver les communautés. C’est pourquoi le montant que Slow Food demande afin de soutenir un jardin potager (900€) n’est pas utilisé qu’à acheter des houes, des brouettes, des arrosoirs et des clôtures (250€) mais aussi pour payer pour le travail et la formation des coordinateurs Africains qui organisent les communautés (200€); afin de garantir des bourses d’études pour les jeunes (100€); pour leur permettre de voyager, de découvrir d’autres contextes et de rencontrer d’autres communautés (100€) et pour traduire et imprimer du matériel éducatif en langues africaines (50€). Tout cet argent va directement aux pays africains.

Slow Food reçoit 200€ (22,2%), nécessaires pour couvrir les frais de coordination du projet, comprenant l’élaboration de lignes directrices pour les jardins potagers, l’identification des agronomes, la production de contenus éducatifs, la mise en réseau des coordinateurs nationaux, la gestion de l’échange d’informations entre le réseau de donateurs et les communautés de jardins potagers africains ainsi que la communication.

Les 900€ ne sont pas un montant annuel, comme le déclare l’article, mais ont été utilisés pour trois ans de travail, de 2011 (l’année où le projet fût lancé) à 2013 (quand les 1000 premiers jardins furent créés). Et les 1000 jardins potagers créés existent encore et continueront à exister, sans financement additionnel.

Avec les fonds collectés pour les 1000 premiers jardins potagers (la description individuelle de chaque jardin peut être trouver sur notre site internet et bientôt vous pourrez les trouver sur Google Maps), nous avons également payé pour le travail de 58 coordinateurs Africains, engagé 55 agronomes africains, organisé 31 séminaires de formation pour un total d’environ 1000 personnes provenant de 25 pays africains, financé 7 bourses d’études et payé les coûts de nombreux voyages d’études et stages (Roba Bulka et John Kariuki, les actuels coordinateurs nationaux de Slow Food en Ethiopie et au Kenya, sont d’anciens étudiants qui ont bénéficié de ces bourses) et produit et distribué du matériel éducatif (vidéos, brochures, manuels, bandes dessinées) en 17 langues (Anglais, Français et Portugais, mais aussi Swahili, Amharique, Oromo, Bambara, Zoulou et bien d’autres). 

Nombre des personnes engagées dans ce projet sont devenues des leaders à un niveau local et national, mais aussi sur la scène internationale : Edward Mukiibi, coordinateur des jardins Ougandais, et maintenant vice-président de Slow Food international; John Kariuki Mwangi, le coordinateur des jardins Kényans, est un Conseiller de Slow Food International et un membre du Bureau des Directeurs de la Fondation Slow Food pour la Biodiversité; Sara El Sayed, en charge des jardins Egyptiens, et Lhoussaine El Rhaffari, en charge des jardins Marocains, sont aussi des Conseillers de Slow Food International, tout comme Herschelle Millford, le coordinateur des jardins Sud-africains.

Ceci, pour nous, est du développement réel. De la politique réelle. Le reste est « une usine à gaz ».

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