Qui paie le coût réel des pesticides ?

14 Juil 2022

Le fait que la Commission européenne associe la conservation de la nature et la réduction de l’utilisation des pesticides dans ses mesures agricoles et environnementales n’est pas négligeable, car bien que le lien entre les deux soit d’une grande importance, il n’est que trop peu reconnu.

Il s’agit, d’une certaine manière, de reconnaître que si nous continuons à répandre des pesticides avec désinvolture, il ne sert pas à grand-chose de parler de protection de la nature, de défense des écosystèmes et de restauration des espaces naturels.

L’approbation du paquet nature pour la consolidation de la protection de l’environnement et, parallèlement, la proposition de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides d’ici 2030 est donc une étape majeure.

La nature et l’agriculture : un duo de choc

L’environnement dans lequel nous vivons est interconnecté, sans frontières politiques ou territoriales. Si je pulvérise des pesticides dans mes champs, certains de ces pesticides vont s’infiltrer dans le sol et y rester longtemps, d’autres vont se retrouver dans l’eau et peuvent même voyager sous terre et se retrouver ainsi dans des zones très éloignées de l’endroit où ils ont été appliqués. D’autres affecteront le système nerveux des insectes utiles, entraînant une réduction de la biodiversité et des services écosystémiques. En bref, cela provoque une réaction en chaine qui n’est pas immédiatement visible mais qui est aujourd’hui prouvée scientifiquement.

C’est ce qu’a démontré la campagne « Changez la Terre » (« Cambiamo la terra » en Italien), coordonnée par des organisations telles que Federbio, avec Isde, Legambiente, Lipu, Slow Food Italie et WWF, sous le patronage d’Ispra (Institut pour la protection de l’environnement rattaché au Ministère de la Transition Ecologique italien). L’étude a mis en évidence, par le biais d’échantillonnages et d’analyses, que les sols des cultures ayant recours à l’utilisation de pesticides et d’herbicides contiennent des résidus qui affectent négativement le réseau de micro-organismes qui contribuent à maintenir leur fertilité. Du Ddt[1] et ses métabolites secondaires ont même été retrouvés dans certains sols, démontrant que quarante ans après l’interdiction de son utilisation, cette molécule persiste dans les sols où elle a été utilisée.

Je ne pense pas que qu’un seul citoyen se réjouissent de savoir que ce danger silencieux se cache dans nos sols et nos sources d’eau, capable d’affecter la capacité productive des sols et la qualité de l’eau au fil du temps.

Le véritable coût des pesticides : le coût environnemental

Pourtant, les mesures annoncées par la Commission européenne ont provoqué un tollé du fait que les alternatives aux pesticides chimiques sont actuellement beaucoup plus coûteuses. A tel point que l’on spécule même en Europe sur un soutien financier aux exploitations devant réduire leur usage de pesticides dans le cadre de l’application de la nouvelle réglementation. On pourrait penser que soutenir une partie de la transition écologique est la meilleure démarche, mais une question reste en suspens qui mériterait pourtant d’être abordée plus en profondeur, c’est le coût environnemental qui n’est jamais pris en compte dans le budget des entreprises pollueuses. Tant que les externalités négatives ne feront pas partie de leurs calculs, tous les comptes seront inutiles et surtout mensongers.

Que signifie aujourd’hui le fait de produire des aliments sans appliquer des modèles de durabilité fondés sur les principes de l’agroécologie ?

Cela signifie laisser une empreinte écologique plus ou moins marquée, parfois indélébile, presque toujours portée par les générations futures, c’est-à-dire par nos enfants et petits-enfants. Personne ne paie le prix de cette empreinte aujourd’hui, d’autres la paieront, et cette approche met de côté le coût environnemental. Si l’on en tenait compte dès aujourd’hui, peut-être la transition écologique serait-elle plus naturelle et ne nécessiterait-elle pas immédiatement une compensation, qu’exige l’agro-industrie qui n’a pour unique but que de maximiser ses profits à tout prix.

Aujourd’hui, les agriculteurs biologiques continuent à investir économiquement pour certifier leur choix, en espérant que les programmes de développement rural les soutiendront, tandis que ceux qui persévèrent dans l’utilisation des produits chimiques qui polluent les sols et les eaux, ne sont pas appelés à payer un coût environnemental. Au contraire, si un modèle plus durable leur est imposé, ils exigent une compensation financière.

Nous devrions probablement commencer à changer de perspective, mais le chemin est vraiment difficile, surtout à une époque où la spéculation est toujours à l’affût et où, dès que le contexte est instable, elle prend le dessus.

Francesco Sottile
[email protected]

 

[1] Le DDT est le dichloro-diphényle-trichloro-éthane, un pesticide chimique organo-chloré incolore utilisé pour détruire des insectes porteurs de maladies ou destructeurs de récoltes. Il est interdit en Amérique du Nord et en Europe depuis des années.

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