Politique agricole commune et agroécologie pour les travailleurs agricoles
22 Fév 2021

Politique agricole commune et agroécologie : La société civile milite pour le respect des droits des travailleurs agricoles
Au moins dix millions de personnes travaillent chaque année dans le secteur de l’agriculture en Europe, principalement en tant que travailleurs saisonniers et journaliers, souvent dans des conditions d’exploitation indignes. Face à ce traitement injuste et inhumain très peu médiatisé, des organisations de la société civile européenne s’unissent pour exiger l’application des droits et d’une justice sociale pour les travailleurs agricoles. Parmi ces organisations, beaucoup, dont Slow Food, sont convaincues que l’agroécologie est la clé de l’avenir du secteur agricole européen, grâce à ses techniques respectueuses de l’environnement, des animaux et des individus qui produisent la nourriture.
Aujourd’hui, une lettre ouverte signée par Slow Food Europe et plus de 300 autres organisations et individus dans toute l’Europe a été envoyée aux principaux décideurs de l’UE et des pays membres dans les domaines de l’agriculture et des droits sociaux, soulignant le besoin d’intégrer une « conditionnalité sociale » au sein du cahier des charges de la Politique agricole commune (PAC).
Le principe de conditionnalité sociale prévoit que l’attribution des subventions agricoles, et dans le cas présent, des paiements de la PAC, soit conditionnée par le respect des droits sociaux des travailleurs agricoles : rémunération équitable, conditions de travail sécurisées, droit aux congés maladie, entre autres. La protection des agriculteurs et des droits des travailleurs agricoles est un des composants essentiels de l’agroécologie, trop souvent décrite comme un modèle de production agricole, sans évoquer ses valeurs sociales. Pour amorcer une transition vers un système alimentaire véritablement durable au sein de l’UE, la conditionnalité sociale et l’agroécologie doivent être intégrées aux politiques alimentaires européennes, à commencer par la PAC, dont le contenu est actuellement débattu au sein des institutions européennes.
Le critère de conditionnalité sociale
Le secteur européen de l’agriculture emploie des millions de personnes, principalement en tant que travailleurs saisonniers. Ces personnes, pourtant définies comme « essentielles » par les institutions de l’UE et les gouvernements des pays membres au début de la pandémie de la COVID-19 au printemps dernier, travaillent souvent au noir dans des conditions inhumaines, avec des salaires dérisoires, des horaires chargés, et des logements insalubres. Ces personnes ne sont absolument pas prises en compte par la PAC qui représente pourtant environ un tiers du budget de l’UE. Alors que les subventions de la PAC sont de plus en plus indexées sur le respect de certains critères de base liés à l’environnement et au bien-être animal (qui peuvent être largement améliorés et renforcés), le respect des droits humains et du droit du travail n’intervient aujourd’hui absolument pas dans les critères d’allocation des paiements directs. Sans surprise, la PAC est donc pour l’instant un échec complet sur le plan de l’amélioration des conditions de travail de la main–d’œuvre agricole.
En octobre 2020, le Parlement européen a pris position au sujet de la Politique agricole commune. Malgré des objectifs très décevants sur le plan environnemental, le Parlement a en revanche voté en faveur d’un critère de conditionnalité des paiements directs de la PAC au respect des conditions d’emploi et de travail définies par les conventions collectives applicables, les lois nationales et européennes ainsi que les conventions de l’OIT. En bref, cela signifie que les agriculteurs ne recevront les aides de la PAC que s’ils appliquent des conditions d’emploi et de travail adaptées et conformes au droit national et international. Si l’employeur ne se conforme pas à ses obligations de base, il ne sera pas éligible au versement des subventions. Cependant, cette décision est actuellement menacée par plusieurs États membres qui souhaitent supprimer ce critère des conditions de versement des paiements directs de la PAC, au prétexte que cette mesure compliquerait la situation des agriculteurs en apportant des contraintes supplémentaires.
L’agroécologie et la dimension sociale de l’agriculture
Un récent avis sur l’agroécologie du Comité européen des régions adopté à l’unanimité souligne le lien fort entre l’agroécologie et la composante sociale du travail agricole, en demandant clairement à intégrer le respect des droits des travailleurs agricoles dans les critères de base des aides de la PAC via la conditionnalité sociale. Le Comité propose plusieurs mesures très importantes pour soutenir l’agroécologie, sans se limiter à sa composante agricole, ce qui correspond à la vision de l’agroécologie défendue par Slow Food. Le Comité estime notamment que « la qualité de vie des éleveurs et le bien-être animal vont de pair et méritent une autre approche de l’élevage », en demandant plus de soutien à la « recherche participative avec les agriculteurs-chercheurs » et l’adoption d’une approche réellement axée sur les « systèmes alimentaires » ou en reconnaissant le besoin de mettre en place un environnement favorable à l’évolution des régimes alimentaires. Le Comité des régions préconise également « de passer d’une logique agricole extractive à une logique circulaire » avec une exclusion totale des semences génétiquement modifiées.
Intégration de l’agroécologie dans les politiques de l’UE
L’agroécologie se définit comme la science qui applique les concepts et principes écologiques à la conception et la gestion d’une agriculture et de systèmes alimentaires durables. Selon Slow Food et un nombre croissant d’organisations et d’institutions, l’agroécologie représente la clé pour réussir une transition durable des systèmes alimentaires en respectant l’environnement, les animaux ainsi que les individus qui produisent la nourriture et ceux qui la consomment.
Le défi consiste à intégrer l’agroécologie dans les politiques alimentaires et agricoles communautaires, pas seulement en encourageant l’adoption de quelques pratiques agroécologiques comme l’agriculture biologique, mais en adoptant une approche agroécologique globale dès la conception des politiques alimentaires et en cherchant à respecter les principes de base de l’agroécologie.

Le document politique sur l’agroécologie publié en janvier par les membres de la Food Policy Coalition, y compris Slow Food, soutient que les 10 éléments de l’agroécologie et les « 13 principes agroécologiques » de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) constituent un cadre efficace pour développer des instruments et objectifs adaptés à l’intégration de l’agroécologie dans les politiques de l’UE. La dimension sociale des pratiques agricoles représente un aspect clé de ces éléments et principes. Par exemple, un des 10 éléments de la FAO évoque les « valeurs humaines et sociales » comme la dignité, l’équité, l’inclusion et la justice, considérées comme essentielles pour développer une agriculture durable à grande échelle. Le document précise par ailleurs que « l’Agroécologie vise également à modifier les relations sociales, faciliter l’émancipation des agriculteurs, produire de la valeur à l’échelle locale et privilégier les circuits courts qui relient producteurs et consommateurs ».
« L’Agroécologie n’est pas juste une pièce d’une boîte à outils, c’est une toute nouvelle boîte à outils. L’UE doit reconnaître que l’agroécologie est la solution clé pour transformer les systèmes agricoles et alimentaires de l’UE. Elle doit absorber tout le potentiel de l’agroécologie en partant du cadre proposé ci-dessus, et intégrer cette approche dans toutes les politiques alimentaires futures. »
Cependant, il est impossible de construire des systèmes alimentaires agroécologiques et durables en laissant de côté la dimension sociale. C’est pour cette raison que Slow Food continuera à se battre pour que le respect des droits sociaux devienne un critère indispensable des subventions de la PAC et pour que les politiques communautaires liées à l’alimentation et l’agriculture intègrent les enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux d’un seul bloc.
En avril 2020, Slow Food a signé la déclaration conjointe alertant sur les conditions de travail catastrophiques des travailleurs du secteur agroalimentaire pendant la pandémie de la COVID-19.
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