Penser comme les montagnes
29 Juil 2014

Dans le programme présenté pour ses six mois de présidence, l’Italie a déclaré qu’elle s’engagerait en faveur de la stratégie de l’UE pour la région alpine. Compte tenu des évidentes lacunes actuelles dans les politiques pour la montagne, cette nouvelle redonne un peu d’espoir.
Dans l’imaginaire collectif, les régions montagneuses ne sont souvent que des périphéries des plaines. Mais la marginalité de ces territoires est plus sociale que géographique : en témoignent l’éloignement de la politique de ces territoires et l’absence d’instruments d’action qui en découle.
Mais les zones montagneuses sont-elles vraiment marginales pour nos pays ? Quelle importance revêt le monde alpin pour l’Europe ? Les Alpes constituent un extraordinaire poumon environnemental et culturel pour le continent. La position centrale et la configuration physique du territoire ont été à la base du développement d’une incroyable variété biologique (de plantes, de races animales, d’écosystèmes) et culturelle (langues, populations diverses et minorités ethniques). Le lien étroit entre ces composantes a généré des savoirs, des produits, mais aussi des vignobles, des terrasses, des pâturages, et autant de paysages anthropisés ou semi-anthropisés typiques de la région, qui risquent d’être compromis par l’abandon des activités de production.
Ce patrimoine représente sans doute l’élément identitaire commun à plusieurs territoires, les transformant ainsi en une macro-région, et fait de l’arc alpin une ressource potentiellement stratégique pour l’Europe sous de nombreux aspects. Un seul chiffre donne le la : selon les estimations d’un rapport de 2009 présenté par le Secrétariat permanent de la Convention alpine, le flux touristique implique désormais 100 millions de personnes par an.
Mais aucune stratégie politique ne correspond cependant à cet énorme potentiel. Le développement industriel a accéléré l’abandon progressif de ces territoires, en repoussant dans les vallées une grande partie de la population et en mettant cette ressource en danger. Dans de nombreuses zones, les activités ont lentement disparu et avec elles, les liens avec les situations locales, la transmission des savoirs et la diffusion des services.
La région alpine s’est développée sporadiquement. D’un versant à l’autre de la même montagne, la situation peut être totalement différente. Altitude pour l’agriculture, déclivité pour les zones de pâturage, exposition et structure hydrogéologique pour les installations sont tous des facteurs jouant un rôle déterminant et qui modifient radicalement le développement d’une vallée. L’hétérogénéité des régions alpines et leur caractère transfrontalier ont beaucoup ralenti un processus de développement territorial complexe et délicat.
Il suffit de penser que, dans le cadre des fonds pour le développement rural, l’intervention la plus directe en faveur de l’agriculture dans les zones montagneuses soit l’indemnité compensatoire (de handicaps naturels), attirant une reconnaissance économique aux activités agricoles des zones généralement « désavantagées ». Et cette approche, bien qu’utile, s’est révélée insuffisante pour renverser la tendance. Slow Food pense qu’il est temps de repenser les « terres d’altitude » comme une opportunité et non plus comme un problème. Les récentes vagues de repeuplement par les nouvelles générations sont aussi timides que significatives : ceux qui s’installent en montagne avec un projet apportent de nouvelles sensibilités, de l’innovation et de nouvelles exigences (comme l’accès à Internet haut débit ou les services informatisés). Malgré un certain dépeuplement, 14 millions d’individus vivent aujourd’hui dans la région alpine. C’est un chiffre important quand on sait qu’il équivaut à la population cumulée du Danemark et de la Suède.
Le besoin d’élaborer une vision d’intervention intégrant les contextes complexes de la zone alpine est réel. Les politiques régionales pourraient alors devenir vertueuses au lieu de tenter de contenir l’hémorragie. L’activité agricole et pastorale dans les régions montagneuses a depuis toujours façonné le paysage comme les systèmes sociaux, et est prête aujourd’hui à assumer un rôle clé pour cette vision de développement de la région. Les filières alimentaires, si elles sont placées au cœur d’un plan stratégique, peuvent être une locomotive efficace pour relancer la région et valoriser les économies locales générées par la protection du territoire.
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