Sentinelle Slow Food au Pérou : les variétés anciennes de lupin d’Huayalas
09 Août 2016
La cordillère blanche des Andes est la chaîne de montagne tropicale la plus haute du monde : c’est ici, entre 3 200 et 3 800 mètres d’altitude, que vivent les communautés autochtones qui cultivent trois variétés locales de lupin (tarwi en quechua) savoureuses et nourrissantes. Ces variétés, très populaires à l’échelle locale depuis la période précolombienne, ont peu à peu été remplacées par la culture de variétés non indigènes plus productives, mais moins nourrissantes. En collaboration avec la Fondation Onlus Albero della Vita et avec le soutien du Fonds italo-péruvien, la Fondation Slow Food pour la biodiversité a décidé de créer une nouvelle Sentinelle Slow Food pour sélectionner et valoriser l’écotype indigène de lupin en assurant sa promotion sur le marché local, avec la garantie d’un prix juste.
Adolfo Perret, un des plus grands chefs de Lima, invité de la Cuisine de l’Alliance des chefs au salon Terra Madre Salone del Gusto, nous présente, du haut de ses 30 ans d’expérience, la gastronomie péruvienne et cet aliment fascinant des communautés autochtones.
Raconte-nous ton parcours de chef
J’ai commencé mes études universitaires à la faculté d’économie, mais je savais que ce n’était pas ma vocation. Par contre, je suivais des cours de cuisine en parallèle : c’était ma vraie passion, et c’est ensuite devenu mon métier. Quelques années plus tard, j’ai quitté l’université et pris des cours pour apprendre à gérer un restaurant, et je suis entré à l’école du Cordon Bleu au Pérou. C’est là que ma carrière a commencé : j’ai lancé mon premier restaurant, Cebicheria Punta Sal, en 1986, dans le quartier de San Isidro. En décembre 1995, j’ai ouvert un deuxième restaurant à Miraflores avec ma femme Gaby, puis tous les autres dans différents quartiers de Lima. Je continué à me spécialiser et à participer à des salons partout dans le monde pour promouvoir l’excellente gastronomie péruvienne.
Quel est l’avenir de la gastronomie au Pérou ?
Nous avons fait de gros progrès, mais il reste beaucoup à faire. La gastronomie péruvienne illustre très bien l’identité culturelle de notre pays et peut représenter un véritable moteur de développement économique et d’amélioration du bien-être des habitants. Promouvoir l’excellence de nos traditions culinaires va de pair avec la protection de la biodiversité, et cela passe par la lutte contre les cultures génétiquement modifiées. Il est nécessaire de revaloriser le rôle des petits producteurs en les rassemblant au sein de réseaux, associés aux moyennes et grandes entreprises du secteur de la gastronomie. La synergie entre les différents secteurs et surtout la formation et la sensibilisation des nouvelles générations représentent l’élément clé pour sauvegarder nos savoirs traditionnels, notre culture et notre identité nationale.
Quel est l’ingrédient indispensable de ta cuisine ?
L’ingrédient principal de la cuisine péruvienne est l’ají, une variété de piment qui apporte de la saveur à tous les plats traditionnels. Je cuisine également beaucoup avec les poivrons, l’ail, les citrons, les tomates et la coriandre longue.
En général, je m’approvisionne directement auprès des producteurs, sur le marché ou grâce à des centrales et groupes d’achats qui permettent d’avoir des produits de qualité à un prix juste pour les producteurs et les consommateurs, en accord avec les principes de la philosophie Slow Food.
Comment as-tu connu Slow Food ?
Cela fait maintenant plusieurs années que je collabore avec Slow Food aux côtés d’autres chefs amis. J’ai toujours fortement adhéré aux valeurs de l’association, et il était donc naturel pour moi de la rejoindre. J’essaie constamment de donner un sens précis à ma cuisine, en privilégiant la qualité des produits et en respectant le travail de ceux qui les fournissent. À l’ère de la mondialisation, je suis heureux de faire partie d’un mouvement qui essaie de transmettre des savoirs et des traditions aux générations suivantes, et surtout de pouvoir utiliser ma créativité pour mettre en valeur des produits de qualité et apprendre aux autres comment avoir une alimentation bonne, propre et juste, en se basant sur la richesse des ingrédients.
Parmi tes ingrédients, on retrouve le tarwi de la nouvelle Sentinelle Slow Food. Comment as-tu découvert cet aliment ?
Ce fut un coup de chance ! J’ai lu par hasard une étude menée en 1976 par une équipe plurisciplinaire d’experts allemands et péruviens, dont Rainer Gross, Erick Von Baer et Rafael Acosta, qui présentait les enjeux et défis de la culture et la transformation de cette plante. J’ai ensuite rencontré en personne Rafael Acosta et Mario Tapia, un autre chercheur et défenseur majeur des céréales et aliments des Andes. Ils ont réussi à susciter mon intérêt pour ce produit, jusqu’à ce que j’ai l’opportunité de travailler avec la Direction de la concurrence du secteur agricole du Ministère de l’Agriculture pour une mission de valorisation des céréales andines, légumes, céréales et maïs. Grâce à ce travail en contact direct avec les agriculteurs, j’ai pu observer sur le terrain les avantages et le potentiel de cette plante, mais également sa forte valeur nutritionnelle et son rôle clé pour combattre deux fléaux endémiques du pays, la malnutrition chronique et l’anémie.
Quelle est ta recette phare avec cet ingrédient ?
Le plat le plus répandu et le plus traditionnel est le picante, un plat à base de lupin, pomme de terre, poivron jaune, oignon et ail, accompagnés de maïs grillé et de rocoto (variété de piment). Pour ma part, je l’utilise dans différentes recettes : houmous, salades, plats végétariens, dans un bon hamburger à la truite et quinoa cuit au four, dans des farces, soupes, purées, grillé à déguster ou réduit en farine pour préparer du pain ou des biscuits. Ma recette préférée est celle d’un autre plat majeur de la province de Huaylas, le ceviche de chocho. Il est très apprécié dans tout le Pérou : préparé avec des lupins, des oignons, des tomates, du rocoto, du citron et de la coriandre, on le retrouve sur presque tous les marchés des villes de Huaras, Caraz et Carhuaz, où il est souvent préparé par les femmes. N’hésitez pas à venir le goûter sur mon stand au Terra Madre Salone del Gusto.
Blog & news
Changer le monde grâce à la nourriture
Découvrez comment vous pouvez restaurer les écosystèmes, les communautés et votre propre santé grâce à notre boîte à outils RegenerAction.