Les jardins potagers Slow Food au Burkina Faso : graine d’espérance pour un avenir équitable et pacifique
21 Juil 2022
La guerre, sous toutes ses formes, fragilise de plus en plus la vie sur terre. Le continent africain en fait les frais, avec 41 % de tous les attentats terroristes du Djihad du monde perpétrés sur son sol en 2021. Conséquence : des milliers de victimes et un bilan dévastateur à tous les niveaux.
Le Burkina Faso ne fait pas exception à la règle. Depuis au moins sept ans, le pays traverse une période d’instabilité continue due à l’occupation de terroristes djihadistes venus du Mali. Selon de nombreuses études géopolitiques, ce pays est une illustration frappante de la façon dont les dynamiques globales et les conflits régionaux spécifiques se sont heurtés à des problématiques etno- et socioéconomiques locales, créant ainsi des situations délicates.
Plus de deux mille personnes ont déjà perdu la vie et environ 2 millions ont choisi l’exode** en raison des attaques qui ciblent principalement le nord et l’est du pays.
Et pourtant, il doit exister une solution pour ramener la paix et reconstruire les communautés : l’alimentation, les jardins potagers et les communautés Slow Food peuvent être porteurs d’espoir. Jean Marie Koalga, conseiller Slow Food en Afrique occidentale et représentant national du réseau burkinabé nous décrit la situation en expliquant comment les savoir-faire liés à l’alimentation peuvent être vecteurs de paix et de reconstruction.
Actuellement, la situation est très préoccupante dans plusieurs régions du Burkina Faso, et notamment dans le nord, le centre-nord, la boucle du Mouhoun, l’est et le Sahel.
Les attentats terroristes ont causé de nombreux dégâts, non seulement matériels avec les vols et incendies, mais surtout humains, engendrant de nombreuses victimes et la migration de villages entiers vers les grandes villes, qui ont dû quant à elles faire face à une fermeture des centres de santé, écoles et autres services publics. Ces mouvements migratoires ont entraîné l’abandon de terrains, champs, cultures et troupeaux, fragilisant ainsi fortement le tissu familial et communautaire de la population.
Des milliers de personnes, principalement femmes et enfants, sont dans une situation très précaire et manquent de tout : alimentation, travail, logement, vêtements, accompagnement sanitaire et scolaire, sans oublier une communauté de soutien.
Face à cette situation, le gouvernement essaie de trouver une solution, mais se trouve dépassé par le nombre élevé de déplacés internes. La ville de Dori, capitale de la région du Sahel, qui compte 50 000 habitants, a ainsi récemment dû accueillir 30 000 réfugiés après un attentat terroriste qui a eu lieu mi-juin dans une commune du nom de Seytenga.***
Plusieurs associations internationales soutiennent les efforts du gouvernement, y compris les différentes entités des Nations Unies (UNICEF, FAO, UNHCR, PNUD, PAM, etc.) et la Croix Rouge, mais ces aides sont insuffisantes et difficiles à répartir face au nombre croissant de réfugiés et aux déplacements continus des personnes qui tentent désespérément d’améliorer leurs conditions de vie.
La situation nous contraint à accepter n’importe quelle source d’aide pour survivre. Les réfugiés reçoivent des aliments importés (du riz, par exemple) qui ne font pas partie de leur régime alimentaire et ne contribuent pas à l’économie locale. La seule conséquence positive, si l’on peut dire, c’est que cela nous confirme la nécessité de préserver nos liens avec notre alimentation traditionnelle, malgré le contexte difficile, sans compromettre nos choix alimentaires ni faire le jeu des multinationales et de l’industrie alimentaire qui ne cherchent qu’à faire du profit, même en situation de crise, crise qu’ils contribuent d’ailleurs volontairement à provoquer.
La forte densité de personnes contraintes de vivre dans les villes renforce la nécessité de produire et consommer des aliments traditionnels, de rester ancré dans son territoire et attaché à ses habitudes alimentaires afin de conserver le lien avec ses racines, ses origines.
La diffusion de ce message auprès des enfants et des jeunes est fondamentale : connaitre la biodiversité locale leur donnera la liberté de choisir et les aidera à garder une vision positive de la vie, selon laquelle l’homme et la nature cohabitent et assurent leur survie mutuelle, sans conflit ni violence.
Sur ce plan, le livre de recettes Slow Food De la terre à la table contribue grandement à la préservation de la culture gastronomique traditionnelle.
Slow Food joue un rôle important pour défendre la justice sociale et les droits des communautés, dont celui primordial de la sécurité alimentaire. Notre travail vise à diffuser et soutenir les projets de construction de jardins potagers dans les communautés et les écoles, afin de répondre au besoin de produire une alimentation bonne, propre et juste, tout en offrant une source de revenus.
À Gorom-Gorom, dans la région du Sahel, à 45 km de Dori, il existe depuis une dizaine d’années trois jardins potagers (deux communautaires et un scolaire), qui continuent leurs activités malgré les risques du contexte actuel. L’ancien référent du projet, Amadou C., est désormais réfugié en France depuis qu’il a dû fuir son domicile incendié par des terroristes. En 2022, le réseau Slow Food du Burkina Faso et la référente locale actuelle, Aminata K., prévoient d’intensifier le développement de ces initiatives dans la région, en réaction à la crise. Deux nouveaux potagers communautaires seront créés à Gorom-Gorom d’ici la fin de l’année (les visites et formations sont déjà en cours), afin de permettre à des femmes autochtones et réfugiées de travailler ensemble et de partager des pratiques horticoles et agroécologiques, améliorant ainsi leur quotidien.
Une partie importante de notre travail consiste en effet à créer des opportunités d’échange permettant à ces personnes de continuer à partager leurs connaissances et expériences, de se soutenir mutuellement, d’entretenir des liens de solidarité et de fraternité et ainsi de faire vivre (ou revivre) leurs villages et leurs communautés. L’implication des populations d’accueil et des réfugiés au sein de ces jardins potagers contribue à renforcer l’acceptation réciproque, ce qui facilite en retour la cohésion sociale et la cohabitation. Nous avons déjà commencé ce travail dans la région du Sahel et le Nord, mais nous souhaiterions avoir plus d’opportunités pour développer d’autres potagers.
Le réseau Slow Food burkinabé compte environ 15 000 membres, répartis dans les 13 régions du pays, qui assurent la gestion de 195 jardins potagers en agroécologie. En 2022, 20 nouveaux sites ont été créés, tandis que 50 jardins potagers (nouveaux et existants) ont été évalués (visite et collecte de données pour évaluer leur impact). Le réseau a également organisé deux rencontres nationales et sept évènements d’éducation au goût et de sensibilisation.
Les ressources économiques nécessaires pour réaliser toutes ces activités proviennent de Conviviums, Communautés et sympathisants Slow Food du monde entier qui gardent l’espoir d’un avenir bon, propre et juste et d’une solidarité concrète au sein du réseau.
Toi aussi, aide-nous à soutenir un jardin potager en cliquant ici
*Source: agi.it
** Source: france24.com
*** Source: reliefweb
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