L’élevage en liberté: un ouvrage qui pose la question d’un élevage respectueux du vivant

07 Fév 2025

Edward Mukiibi présente le livre L’élevage en liberté, un ouvrage collectif paru en France aux éditions Libre & Solidaire, explorant le sujet de l’élevage et de la consommation de viande. Il y contribue en y apportant la vision du réseau Slow Food pour un élevage agroécologique, connecté au vivant et accord avec les cultures alimentaires locales.

Le thème principal

J’ai récemment eu l’honneur de contribuer au livre L’élevage en liberté, un ouvrage collectif paru en France qui rassemble 35 auteurs issus de divers horizons – éleveurs, chercheurs, cuisiniers, activistes – pour interroger notre rapport à l’élevage et à la consommation de viande, et dirigé par Luis Barraud, Camille Atlani et Hugo Vasseur. À travers ma contribution, je partage la vision du réseau Slow Food sur l’importance d’un élevage respectueux du vivant, des conditions de vie des animaux, des paysages et des communautés locales.

Parler d’élevage, c’est ouvrir la porte à un sujet complexe, riche et difficile. Partie intégrante de notre société depuis des milliers d’années, la relation entre les animaux et les humains a été une symbiose nécessaire, un soutien et une opportunité au cours de l’histoire. Aujourd’hui il devient impossible d’approfondir ce sujet sans être confronté aux critiques qui l’assaillent : l’impact environnemental de l’agriculture et de la pêche industrielles, la perte de biodiversité au profit de quelques espèces plus rentables reproduites par millions à l’échelle intensive, notre santé et la sécurité alimentaire mondiale compromises, et les animaux maltraités.

Les enjeux

L’élevage cache différents enjeux, qui varient ou s’intensifient selon le contexte. Aujourd’hui, sur l’ensemble des mammifères de notre planète, seuls 4 % sont sauvages, 36 % représentent nous autres humains, et 60 % les animaux d’élevage, c’est-à-dire des mammifères tels que les bovins utilisés pour la viande et les produits laitiers . En outre, plus de la moitié (57 %) de tous les oiseaux de la planète sont des poulets d’élevage. Ces données montrent l’énorme quantité d’animaux élevés, en lien direct avec la chute de la biodiversité : les races les plus productives et les plus rentables ont été sélectionnées au détriment de races indigènes, locales, qui, quant à elles, ont été adaptées pendant des milliers d’années à un contexte géographique et pédoclimatique spécifique, soutenant les moyens de subsistance locaux et les écosystèmes. Le choix d’un modèle de production intensive a entraîné l’exploitation de quelques races seulement par souci de rentabilité. Une sélection de bovins qui produisent plus de lait grâce à une alimentation concentrée, ou des poulets de batterie qui, quelques mois après leur naissance, sont transformés en nuggets.

La perte de biodiversité n’est qu’une des nombreuses crises liées à l’agriculture et à la pêche intensives. Les données scientifiques montrent que la demande de viande a augmenté ces dernières années et qu’elle continuera d’augmenter, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Cette demande n’est satisfaite que par un système agricole et d’élevage intensif, qui produit efficacement certes, mais au détriment de l’environnement . Si l’on considère les répercussions des systèmes alimentaires, la production animale intensive a un impact environnemental plus important que toute autre production alimentaire, notamment en matière d’émissions de GES, de pollution des eaux souterraines et de l’air, et d’utilisation d’eau et de terre.

La proposition de Slow Food

Slow Food promeut l’agroécologie en tant que clé de voûte pour assurer l’accès de tous à une alimentation riche en nutriments et respectueuse des cultures, pour préserver la biodiversité et les ressources naturelles, faire face au changement climatique et redonner à l’agriculture et aux paysans le rôle central qu’ils méritent dans le système agroalimentaire. L’élevage peut contribuer à la transition agroécologique : les animaux d’élevage sont présents dans tous les agroécosystèmes et comprennent une gamme variée d’espèces et de races élevées dans une variété de systèmes de production.Parmi les bonnes pratiques qui rendent ces productions promues par Slow Food plus durables, citons le pâturage du bétail sur des prairies naturelles, pérennes et non ensemencées. Mais encore, pour le fourrage, des pratiques permettant une alimentation basée essentiellement sur l’herbe fraîche ou le foin sans ensilage, l’autonomie en protéines et alimentaire des fermes, ou l’achat d’aliments certifiés biologiques. Le tout étant d’éliminer toute pratique néfaste pour l’environnement et les sols comme pesticides ou engrais chimiques.  Selon les principes de l’agroécologie, il est possible d’accroître la productivité agricole, les revenus et la résilience en intégrant l’élevage à d’autres éléments du système de production, tels que les arbres et les plantes cultivées.Le fumier est riche en éléments nutritifs et en matières organiques, qui sont essentiels aux propriétés physiques, chimiques et biologiques de sols sains.

Depuis des décennies, Slow Food encourage la réduction de la consommation de viande au profit de protéines animales issues de systèmes d’élevage durables, respectueux des animaux, de l’environnement et des travailleurs. Ce mouvement rassemble les agriculteurs, mais aussi les vétérinaires, les techniciens, les cuisiniers et les consommateurs (ou coproducteurs, comme nous les appelons) pour soutenir une viande bonne, propre et juste. 

Au vu de tout ce qui précède, il est clair que le sujet de l’élevage et de la consommation de viande devrait être abordé de manière plus large. Les systèmes de production abusifs et dangereux que l’on trouve dans les fermes industrielles ne doivent pas nous amener à condamner la forte relation sociale, culturelle et économique que de nombreuses communautés locales, en particulier dans les pays du Sud, entretiennent avec leurs races animales et leurs méthodes écologiques de pâturage et de pêche. Il s’agit d’un sujet que nous devrions aborder en tenant compte des différentes réalités, en vue d’une transformation collective du système alimentaire. Et c’est ce que ce livre se propose de faire. Bonne lecture !

Edward Mukiibi, Président de Slow Food

Le livre est disponible ici

 

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