Le fromage c’est la vie, le fromage c’est l’émotion. Pourquoi les fromages naturels

22 Août 2019

À Cheese 2019, la vedette ne revient pas qu’aux fromages naturels, mais aussi aux charcuteries, aux pains et aux vins fabriqués sans intervention chimique.

Le concept n’est pas toujours facile à expliquer, mais nous l’aborderons à travers différentes approches propres à la philosophie Slow Food, lors d’un cycle de conférences sur le thème « Le naturel, c’est possible », dans l’espace dédié aux producteurs fermiers et dans nos Ateliers du goût.

FORMATION DES PRODUCTEURS

Le thème du naturel sera également au cœur d’un atelier de formation destiné aux producteurs, qui aura lieu le 19 septembre, la veille de l’ouverture. Il sera mené par Giampaolo Gaiarin, enseignant à la Fondazione Edmund Mach dans le Trentin et intervenant, parmi d’autres, de la conférence Natural cheese: from pastures and breeds to raw milk and natural starters (Fromages naturels : pâturages, races, lait cru et ferments naturels), le samedi 21 septembre à 11h.

TRANSMETTRE SES CONNAISSANCES, COMMUNIQUER SA PASSION

Parlez-nous de vous et de votre activité.

J’ai commencé par être responsable du contrôle qualité pour le Consortium Trentingrana, puis je me suis tourné vers l’enseignement. Tout ce que je sais sur le fromage et les produits laitiers, je ne l’ai que partiellement appris pendant mes études ; mes connaissances, je les dois plutôt aux producteurs, aux transformateurs, aux fromagers et aux éleveurs que j’ai rencontrés ensuite. Je ne considère pas ces connaissances comme une somme d’informations, mais comme un savoir ancestral, qui est devenu ma vie.

Transmettre mes connaissances à de jeunes étudiants est un défi passionnant. Il est important d’être précis, technique et scientifique, mais être passionné reste la clé fondamentale. Il ne s’agit pas de transmettre des informations comme on les trouverait sur Internet, mais de comprendre les interconnexions au sein du processus de transformation.

LAIT CRU

Pourquoi choisir du fromage au lait cru ?

Pouvoir nous nourrir, pas seulement nous alimenter, mais nous nourrir du lait cru et du fromage, est à mes yeux une bonne chose dans ce monde technologique friand d’aliments ultras modifiés.

Nourrir, c’est s’assurer que nos corps bénéficient de ce que nous mangeons. Ce que la nature met dans le lait cru, nous l’utilisons à notre profit, pour nous nourrir. La valeur nutritionnelle de ce dont les animaux se nourrissent passe dans le lait, puis dans le fromage, si l’on utilise du lait cru et une technologie respectant sa valeur.

Si l’animal se nourrit d’herbe d’une prairie spécifique dès le début de l’estive, ou trois semaines plus tard, on va retrouver toutes les différences de goût et d’arômes dans le fromage issu de ce lait, quand il est utilisé cru.

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Le formadi frant. Ph. Alberto Peroli.

BONNES ET MAUVAISES BACTÉRIES

On accuse souvent le lait cru d’être dangereux…

Les gens croient que le lait cru est dangereux pour la même raison que le fromage au lait cru est supérieur au lait pasteurisé : tout est dans les bactéries. Chaque stalle de production possède ses propres bactéries, des bonnes, des mauvaises, favorables ou non à la fabrication de fromage. La pasteurisation gomme ces différences. Ce que nous demandons à ceux qui travaillent le lait cru, c’est de respecter le lait, le produire correctement, le conserver de manière adéquate, ne pas le contaminer par des équipements souillés, le protéger. Ce travail de protection permet l’apparition d’aspects olfactifs et aromatiques et de bactéries utiles pour donner aux fromages des saveurs plus variées, plus complexes, plus uniques.

Que le fromage soit bon ou mauvais, c’est une autre question, mais je veux avoir la liberté de choisir un produit qui me donne ces sensations uniques. Les fromages pasteurisés, même produits correctement, offrent toujours les mêmes saveurs. Moi, j’aime manger des fromages issus de différentes périodes d’estive et pouvoir en déceler les différences.

NATUREL CONTRE INDUSTRIEL

Peut-on dire qu’un fromage est naturel s’il n’est pas issu de ferments sélectionnés ? Quelle différence entre ferments sélectionnés et ferments naturels ?

Si j’utilise un sachet de ferments sélectionnés, je diminue le profil olfactif et aromatique du fromage. Les ferments industriels contiennent un ou deux types de bactéries. Elles assurent l’exact profil sensoriel attendu d’un fromage donné. Mais si j’utilise les bonnes bactéries présentes sur mon site de production, j’active un processus naturel court. Dans les ferments industriels, par exemple produits en Australie, les bactéries parcourent de longues distances. L’impact environnemental de leur production et de leur distribution est énorme comparé aux cultures naturelles. Et en termes de qualité, le lait cru contient tout un éventail de bactéries, qui contribuent toutes à donner des odeurs et des arômes spécifiques au fromage. Dans un processus naturel, il y a des aspects positifs si le lait est bien traité, et négatifs s’il est malmené.

Dans un système industriel, on produit le lait un peu comme on le désire, à l’intérieur d’un cadre normatif. Si les bonnes conditions ne sont pas réunies, la pasteurisation éliminera tous les caractères négatifs. Si j’utilise du lait cru, les caractéristiques du lait sont exaltées, avec différents résultats suivant les animaux et ce qu’ils mangent. Les fromages naturels reflètent leur lieu d’origine. Dans la nature, les conditions ne sont pas toujours idéales ou régulées. La nature possède ses propres cycles et surprises, qu’elles soient bénéfiques ou non. Produire du fromage naturel, avec du lait cru, signifie avoir la possibilité d’assister chaque jour à un coucher de soleil et à une aube différents.

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Le caciofiore de la campagne romaine, Sentinelle Slow Food. Ph. Alberto Peroli.

RACES ANIMALES

Quelle est la meilleure race à lait ?

La meilleure race est celle qui s’adapte le mieux aux conditions de son environnement. Si l’on emmène une vache holstein à 2000 mètres d’altitude, elle éprouvera de grosses difficultés à s’adapter. D’un autre côté, si je fais descendre une Grigio Alpina, habituée à la montagne, dans les plaines de la vallée du Po, elle ne sera pas non plus à sa place.

Nous devons préserver les races adaptées à certains territoires, préserver la biodiversité propre à cette race, aux pâturages et au savoir-faire des producteurs de fromage qui travaillent avec elles.

Giampaolo poursuit, les yeux brillants. Et c’est à sa dernière phrase que je comprends pourquoi: «Le fromage, c’est la vie, le fromage, c’est de l’émotion. En pasteurisant le lait et en utilisant des ferments sélectionnés, on perd tout. Protégeons ce mode de production qui respecte l’environnement et nous donne des émotions».

par Silvia Ceriani, [email protected]

Une partie de cette interview est issue d’une vidéo réalisée en 2017 dans le cadre du projet Granaries of Memory.

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La race Renderena, Sentinelle Slow Food. Manuel Cosi.

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