A Bruxelles, il fait trop chaud: la production de bière s’arrête
30 Nov 2017
Dès mon enfance, j’ai suivi les enseignements de mon père et de mon grand-père et j’ai appris à connaître tous les secrets de la bière. La Lambic est une bière unique au monde: résultat des bactéries et des levures sauvages présentes dans l’air et produite exclusivement en Belgique, dans la vallée de la rivière Senne, le Pajottenland, la recette remonte au XVIe siècle et n’a jamais changé.
Aujourd’hui, la production traditionnelle est très limitée et ne survit que grâce à de petites brasseries telles que la Brasserie Catillon. Le processus de production du Lambic traditionnel suit une série de règles bien spécifiques. Parmi celles-ci, la principale est que le moût, avant d’être transvasé dans des fûts en bois de chêne ou de châtaignier, où il va fermenter pendant trois ans, est laissé à refroidir une nuit entière dans une grande cuve en cuivre ouverte, permettant ainsi le contact direct avec l’air. Nous n’avons aucun système de refroidissement artificiel, donc pour nous, il est essentiel que la température soit conforme aux saisons de production et permette au moût de s’ensemencer naturellement avec les bactéries et les levures sauvages.
Ces derniers temps, cependant, les choses ne vont pas comme elles le devraient. La hausse des températures nous empêche de refroidir le moût de façon naturelle et de veiller à ce que s’enclenche les fermentations.
La température idéale, en fait, est comprise entre 3° et 8° degrés. L’année dernière, en octobre les températures tournaient entre 10 ° et 15 ° degrés, donc nous avons dû arrêter la production pendant deux bonnes semaines : nous aurions perdu tout le moût si nous l’avions laissé à la chaleur de la Brasserie. Lorsque nous avons pris conscience des températures trop élevées il était déjà toutefois trop tard, et nous avons dû jeter quelques lots de bière. En 2014, en revanche, nous avons commencé la production beaucoup plus tard que prévu, nous étions fin novembre et non pas octobre, car les températures ne semblaient pas décidées à descendre.
À l’heure actuelle, nous n’avons que cinq mois pour produire de façon naturelle la Lambic. Mes ancêtres, eux, avaient sept bons mois de disponibles, de la mi-octobre à mai. Depuis plus de quinze ans, ceci n’est plus possible, et la situation ne semble pas s’améliorer. Si nous continuons comme ça, nous allons devoir changer complètement nos processus de production et diminuer les quantités. Aujourd’hui, nous produisons environ 400 000 bouteilles par an, mais si le temps de production se réduit encore, nous ne pourrons plus atteindre ces quantités.
Notre réponse au changement climatique est, pour l’instant, la résistance, mais aussi la patience.
Nous essayons de ne pas changer quoi que ce soit, afin que la production reste la plus naturelle et écologique possible. Nous attendons la bonne température et nous suivons la préparation traditionnelle, qui ne permet pas la pasteurisation, l’utilisation de substances chimiques ni l’ajout de sucres, arômes ou colorants artificiels. En outre, nous ne voulons pas introduire de systèmes de refroidissement, qui nous faciliteraient la vie, mais qui changeraient complètement le goût et la maturation de notre bière, et qui auraient un impact beaucoup plus lourd sur l’environnement, la consommation d’énergie et les autres ressources.
Le changement climatique est un problème réel.
C’est seulement en unissant nos forces, en respectant la planète et en nous mobilisant nous-mêmes, que nous pouvons inverser la tendance et limiter l’impact dévastateur que l’humanité continue d’avoir sur la planète.
Jean Van Roy
En savoir plus sur la Sentinelle Slow Food du Lambic traditionnel
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