Le buffet d’herbe – Ou parce que nous préférons le lait d’herbe
25 Juil 2019
Andrea Cavallero est un professeur à la retraite. Sa peau mate et son physique sec et musclé laissent imaginer qu’il a passé plus de temps à l’air libre que dans une salle de sport. Le professeur Cavallero est spécialisé dans une discipline peu connue du grand public : l’alpiculture, qu’il a enseignée pendant des années au sein du département des Sciences agricoles, forestières et alimentaires de l’Université de Turin.
Vous avez bien lu, il s’agit d’alpiculture, sans faute de frappe. Andrea Cavallero est un maître des pâturages, défenseur convaincu des propriétés organoleptiques et nutritionnelles du « lait d’herbe ».
OÙ TROUVER ANDREA CAVALLERO À CHEESE 2019
- Le professeur Cavallero fera partie des intervenants de la conférence sur les fromages naturels : pâturages, races, lait cru, ferments naturels prévue le samedi 21 septembre à 11 heures, à l’Auditorium CRB.
LES BIENFAITS DU PÂTURAGE
Bien-être animal, environnement, paysage, atouts économiques Pour A. Cavallero, les pâturages ont de multiples bienfaits.
Les animaux élevés en pâturage, en tant qu’herbivores, bénéficient de leur source d’alimentation primaire, identique depuis des millénaires. Toute alimentation modifiée qui sort des prairies polyphytes broutées dans la nature nuit à la santé des animaux. Preuve en est que les bêtes nourries aujourd’hui à base d’ensilage, de céréales et d’aliments composés voient leur durée de vie productive drastiquement réduite.
Mais cela va plus loin. Les pâturages ont également une importance clé pour le territoire, le paysage et la flore, en leur offrant une richesse précieuse. Ils garantissent la diversité de la végétation, en relation étroite avec l’environnement. Ils offrent une source d’alimentation évolutive qui correspond au changement des saisons, ce qui influence également la qualité du lait obtenu. Cette saisonnalité est un atout majeur qui doit être valorisé, en opposition à l’uniformité des fromages produits de manière industrielle. Enfin les pâturages enrichissent les montagnes sur le plan esthétique, un atout qui bénéficie au tourisme.
LE LAIT D’HERBE
Il est étrange de penser que beaucoup de vaches, brebis et chèvres, qui sont des ruminants, ne se nourrissent plus de leur source d’alimentation naturelle. Ce processus qui était auparavant normal est devenu rare.
Il y a encore 50 ans, le lait d’herbe représentait la norme, fruit de la gestion des territoires de plaines, collines et montagnes. La production intensive, la diminution du nombre d’exploitations en montagne et colline et la dimension réduite de ces exploitations qui vivaient pour répondre à leurs besoins et n’ont pas pu s’adapter aux nouvelles règles commerciales, ont conduit à la désertification de ces zones, au profit de l’intensification de la production sur les plaines.
Cette intensification a entraîné l’utilisation de céréales de cultures comme fourrage et d’aliments composés permettant de maximiser la productivité. Par ailleurs, ce développement a entraîné un abandon croissant des terres des Appenins et des Alpes, appauvrissant fortement leur diversité paysagère, environnementale, ainsi que celle de la flore.
LE PÂTURAGE: REPAS-BUFFET
S’ils avaient le choix, les animaux préféreraient brouter librement, en choisissant ce qu’ils broutent, sélectionnant dans chaque variété de plantes les nutriments essentiels à leur bien-être.
En observant la façon dont les animaux broutent, surtout sur les pâturages polyphytes (avec plusieurs variétés), on peut remarquer qu’ils sélectionnent d’abord une variété, puis se déplacent vers une autre, puis une troisième, en répondant à leurs besoins. Comme en composant son assiette devant un buffet. Les animaux recherchent une alimentation variée, car les différentes plantes répondent à leurs besoins en terpènes, anti-oxydants, acides, vitamines et carotènes, qui sont tous des composants essentiels de leur régime alimentaire. Une fois ingérés et digérés, la plupart de ces composants permettent d’obtenir des produits très riches.
Ils assurent la diversité du lait, de la viande et des fromages produits. Ainsi, la proportion entre acides gras oméga 6 et oméga 3 est très importante : le ratio optimal se situe entre 1 et 2 pouvant aller jusqu’à 4, mais il nuit à la qualité du lait, du fromage et de la viande s’il dépasse cette valeur. Il est donc indéniable que l’utilisation du lait d’herbe, bien plus sain, doit être valorisée.
BIODIVERSITÉ NATURELLE
Peut-on parler de biodiversité pour un pâturage ? Quelle est la différence entre les pâturages de montagne, de colline et de plaine ?
Les pâturages naturels ont une biodiversité très riche. On peut retrouver jusqu’à 80 espèces de plantes différentes sur une zone alpine en pâturage, 20 sur un pâturage de colline et 10 sur un pâturage de plaine. Quelles que soient ces différences dues au changement d’altitude, il s’agit toujours d’écosystèmes végétaux riches.
Les cultures ont en revanche une diversité d’espèces généralement pauvre. On cherche à favoriser cette diversité en construisant des champs polyphytes artificiels, mais cette tâche n’est pas facile, car il s’agit d’un processus très délicat.
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