Du Burkina Faso à la Toscane, une expérience du réseau Slow Food
24 Juin 2019

Au-delà des discussions et des débats, les réunions du Conseil international de Slow Food offrent aussi l’occasion d’organiser des visites sur le terrain, auprès des producteurs.
Cette année, dans la région de Chiusi, la célèbre campagne de la province de Sienne, les conseillers ont eu l’occasion de rencontrer des producteurs du réseau Slow Food. Nous avons accompagné l’un d’entre eux afin de recueillir ses impressions : Jean-Marie Koalga, représentant Slow Food d’Afrique de l’Ouest.

« Je suis né en 1977 au Burkina Faso, dans un village appelé Tangin, et je suis éducateur social de profession. J’ai découvert Slow Food ainsi que la problématique alimentaire et environnementale en 2009, à l’occasion d’un stage au Canada. Suite à cela, j’ai fondé l’association Le bon samaritain pour un développement durable et, à mon retour en Afrique, j’ai commencé à travailler dans des écoles. En 2011 ou 2012, un ami canadien m’a parlé de Slow Food et j’ai décidé d’en savoir plus. En consultant le site Internet, j’ai bien compris que vous étiez une organisation sérieuse, à visée réellement internationale, et j’ai décidé de vous contacter. La réunion qui a suivi nous a menés au début d’un très long chemin ensemble. Au début, grâce au soutien de Slow Food, j’ai travaillé dans des écoles pour créer des jardins, puis je suis devenu coordinateur de tous les jardins du Burkina. Nous avons aujourd’hui 154 jardins au total. Slow Food est une organisation réputée et respectée à travers le Burkina. En 2017, lors du congrès international de Chengdu en Chine, j’ai été nommé conseiller national pour l’Afrique de l’Ouest, et je travaille aujourd’hui au développement d’un réseau dans cette région. »
La première étape du séjour du groupe de conseillers était à Mulino della Val d’Orcia, une ferme biologique de 100 hectares consacrée à la production de variétés anciennes de blé et d’épeautre, moulues sur place dans un moulin en pierre, et dont la farine sert à produire des pâtes. Le jeune exploitant Amedeo Grappi a expliqué les raisons qui l’ont poussé à se consacrer à la production de céréales anciennes, moins riches en gluten et donc inadaptées à la transformation industrielle, mais plus résistante aux pesticides. Le produit fini est ainsi plus sain et ne contient aucune trace de produits chimiques. Il est riche en substances nutritives bénéfiques préservées dans les farines par l’action délicate du moulin en pierre.
Revenons à Jean-Marie. « Cet endroit m’a réellement impressionné. Amedeo gère une entreprise commerciale qui doit assurer des revenus décents, mais il le fait en se concentrant sur la qualité, et le bien-être des consommateurs. Il aurait pu suivre le modèle conventionnel qui lui aurait apporté de nombreux avantages, mais il a choisi la voie plus complexe du processus naturel. Il en est fier, car il sait qu’en faisant ce choix, il préserve la santé des consommateurs. J’aimerais que la même mentalité se développe au Burkina. Le commerce est une chose, mais la qualité et la santé des consommateurs restent des thématiques importantes. Dans mon pays nous ne cultivons pas de blé, et les farines sont importées. Nous avons du riz, du millet et du maïs, hélas cultivés avec des produits chimiques. Chez Slow Food, nous œuvrons pour éveiller les consciences et changer les choses. Beaucoup trop de producteurs aspergent leurs champs de pesticides et d’herbicides, car ils pensent que tout sera plus facile et plus rapide. Certains d’entre eux veulent changer les choses, et la plupart des villages possèdent des moulins en pierre pour moudre les céréales. C’est un avantage en soit, car, en écoutant Amedeo, j’ai réalisé à quel point il est important de préserver la méthode de mouture sur pierre, qui fait aussi partie de nos traditions. »
À Chiusi, la Communauté Slow Food de l’olive Minuta a accueilli les conseillers sur le domaine de Podere Ricavo. L’olive Minuta, une variété locale proche de la disparition à cause de ses faibles rendements, s’avère résistante au gel, à la sécheresse et aux parasites. Ses fruits sont ronds et petits, à peine plus grands que des grains de maïs. Son huile est exceptionnellement riche en polyphénols, des substances non seulement bonnes pour la santé, mais qui présentent également des propriétés sensorielles extraordinaires.
« Les oliviers Minuta avaient été abandonnés, mais cette communauté a essayé de les sauver », explique Jean-Marie. « J’ai vraiment pris plaisir à suivre le trajet des olives de l’arbre à la presse, puis à goûter cette huile. Je suis vraiment heureux d’avoir appris à mieux connaître ce produit. Il n’existe pas dans mon pays, mais il fait quand même partie de ma culture, car je suis chrétien et l’olivier est un arbre sacré pour l’Église. La Communauté présente ici montre un réel exemple à suivre sur comment nous devrons travailler, demain, pour faire en sorte qu’autant d’oliviers que possible soient plantés à travers le monde. En Afrique de l’Ouest, nous avons recours à d’autres huiles et matières grasses, souvent de mauvaise qualité. Le karité (et son beurre de karité), par exemple, est un arbre traditionnel pour nous. Mais le traitement qu’il subit est de plus en plus industriel, même au Burkina. J’aimerais travailler avec des producteurs de beurre de karité pour les aider à miser sur la qualité. »
Finalement, Jean-Marie a ajouté : « Personnellement, je suis sorti de cette journée d’expérience en me sentant plus fort, plus déterminé et encouragé à continuer mon travail avec Slow Food. Je vois beaucoup d’autres personnes le faire à travers le monde, c’est quelque chose qui peut se diffuser et changer les choses en profondeur ».
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