De l’UE à l’ONU, biodiversité et agroécologie sont inséparables

15 Juil 2021

Alors que Slow Food lance sa campagne mondiale en ligne pour promouvoir la protection et la restauration de la biodiversité, l’Union européenne poursuit son approche incohérente en matière de biodiversité et de politiques alimentaires. En préparation du Sommet des Nations Unies sur la biodiversité, les discussions sur l’environnement doivent reconnaître le rôle central que jouent l’alimentation et l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité.

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©GRM Kern, Ark Of Taste,

En juin dernier, le Parlement européen a adopté la Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 : ramener la nature dans nos vies. Une majorité claire des députés a voté en faveur de politiques contraignantes et d’objectifs de réduction de l’utilisation et des risques des pesticides, de protection des sols et de transformation de l’agriculture européenne, de manière à protéger et restaurer la biodiversité. Le Parlement appelle également à un meilleur soutien des exploitants, en particulier des petits producteurs alimentaires, pour opérer une transition vers l’agrobiodiversité et l’agroécologie. Cette approche fait par ailleurs clairement son chemin au sein des débats politiques européens. Le Parlement enjoint également l’UE à assurer la cohérence de ses activités à l’étranger et demande des mesures pour empêcher le déplacement potentiel de la perte de biodiversité hors de l’Union. Parmi les différents éléments positifs du vote, on notera par exemple la reconnaissance des « connaissances autochtones et locales comme étant cruciales pour protéger efficacement la biodiversité », un appel à la restauration des populations de poissons, un appel au respect des principes de précaution et de « pollueur-payeur », et enfin une position claire contre l’utilisation de la technologie du forçage génétique, et contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, l’herbicide le plus largement employé à l’échelle mondiale. Pour couronner le tout, les députés ont par ailleurs caractérisé le besoin urgent d’une loi européenne sur la biodiversité qui pourrait changer la donne en termes de protection de la biodiversité au sein de l’UE en instaurant des objectifs contraignants et un cadre de gouvernance.

« Nous appelons aujourd’hui à une loi européenne sur la biodiversité comparable à la loi européenne sur le climat, qui instaurerait jusqu’en 2050 un cadre de gouvernance à même de protéger la biodiversité, en intégrant des objectifs contraignants pour 2030. Je nous félicite d’avoir approuvé les principaux objectifs des propositions de la Commission et soutenu la création d’un plan européen de restauration de la nature pour réhabiliter au moins 30 % des terres et mers européennes, » a commenté le député européen  César Luena, de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates.

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Maremma breed,

Slow Food se réjouit de cette avancée encourageante pour stopper la perte de biodiversité et reconnaître le rôle primordial de l’alimentation et de l’agrobiodiversité dans la protection de la biodiversité. Les écosystèmes européens, desquels dépendent la nourriture, l’air propre, la rétention de l’eau et la régulation climatique, souffrent d’une pression constante causée par une utilisation intensive des terres et des mers, le changement climatique, la pollution et la surexploitation. Cette avalanche de menaces a des conséquences alarmantes. D’après la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), 25 % des amphibiens, 13 % des reptiles, 15 % des mammifères et 13 % des oiseaux européens sont menacés en Europe. Au total, 1677 espèces européennes sur 15 060 sont en voie d’extinction.

En mai 2020, la Commission européenne a voté le pacte vert européen contenant la stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 et la stratégie De la ferme à l’assiette, par le biais desquelles l’UE envisage de se positionner en tant que leader mondial des systèmes alimentaires durables et de répondre à la crise mondiale de la biodiversité. S’ils étaient atteints, ces objectifs ambitieux aideraient de toute évidence la biodiversité à reprendre le dessus :

  • réduction de 50 % de l’utilisation de pesticides dangereux d’ici 2030
  • attribution de 25 % des terres agricoles européennes à l’agriculture biologique d’ici 2030
  • réduction de 20 % de l’utilisation d’engrais d’ici 2030
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©Marta Messa,

Toutefois, tant que ces stratégies ne sont pas contraignantes, leur réussite dépendra principalement de la mise en œuvre de la PAC au sein des États membres, par le truchement des plans stratégiques nationaux. Le Parlement a certes reconnu que la PAC avait jusqu’à aujourd’hui échoué à « inciter fortement les agriculteurs à modifier leurs pratiques » et qu’elle devait désormais encourager les « approches agroécologiques et en faveur de la biodiversité », mais la nouvelle PAC entrant en vigueur en 2023 est loin d’en avoir les épaules. Le mois dernier, les principales institutions européennes ont conclu un accord sur la nouvelle PAC, qui s’avère totalement incohérent avec les objectifs environnementaux du pacte vert européen (lire notre analyse ici). Ce résultat alarmant nie catégoriquement les nombreuses synergies et interdépendances entre systèmes alimentaires et changement climatique.

Comme l’a souligné Elena Višnar Malinovská, chef d’unité à la DG Climat de la Commission européenne, lors de la conférence Slow Food sur le climat de la semaine dernière :

« À l’échelle mondiale, les systèmes alimentaires sont responsables de 60 % de la perte de biodiversité territoriale, d’environ 24 % des émissions de gaz à effet de serre, d’environ 1/3 des terres dégradées et de l’exploitation totale d’au moins 90 % des populations commerciales de poisson. Nous devons mettre fin à l’élevage industriel, élever moins de bêtes, promouvoir l’agriculture biologique et améliorer la rétention d’eau par les paysages. » On ne peut répondre au changement climatique et à la perte de biodiversité sans opérer une transition nette vers des systèmes alimentaires agroécologiques et durables.

 width=Si nous voulons assurer une alimentation bonne, propre et juste à tous, il est nécessaire de partir de la biodiversité et d’inverser ce modèle de production qui continue à générer des désastres environnementaux et sociaux et à détruire les fondations de la sécurité alimentaire pour les générations actuelles et pour celles à venir. Depuis plus de 20 ans, Slow Food travaille sur cette biodiversité qui soutient notre agriculture et notre production alimentaire : variétés et espèces végétales, races animales, insectes utiles, microorganismes, écosystèmes, savoirs et cultures.

« Changement climatique et alimentation sont étroitement liés, car la manière dont on produit, transforme, distribue et consomme notre nourriture joue un rôle clé : elle peut alimenter le changement climatique ou participer à y remédier. Slow Food est un mouvement mondial composé de milliers de communautés mettant en œuvre des solutions concrètes pour des systèmes alimentaires durables, afin d’aider à résoudre les nombreuses crises que nous rencontrons, en tant qu’individus, communautés et société, » explique Marta Messa, directrice de Slow Food Europe, à l’occasion de l’évènement Slow Food Climate Action.

Pour Slow Food, le travail de l’Union européenne sur la biodiversité doit associer la préservation des environnements naturels et des espèces sauvages à la sauvegarde de la biodiversité agricole. La nature est si étroitement liée aux secteurs environnemental, agronomique, culturel et économique, que la réponse de l’UE à la perte de biodiversité ne peut être que multisectorielle et pousser à une plus grande cohérence et une plus grande coordination entre tous les États membres européens.

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À l’approche du prochain Sommet de l’ONU sur la biodiversité (du 11 au 24 octobre), Slow Food enjoint l’UE à capitaliser sur ses lois environnementales d’envergure mondiale et ouvrir la voie d’une potentielle coopération planétaire, par des actions collectives pour la restauration et la conservation de la biodiversité à l’échelle mondiale.

Slow Food continuera de promouvoir activement les bénéfices incommensurables de l’agrobiodiversité, en acquérant et en partageant des connaissances approfondies sur l’alimentation et la production, en permettant une meilleure compréhension de l’importance et de l’urgence de protéger la biodiversité, et de soutenir le travail de ceux qui la préservent.

  • Vous souhaitez en savoir plus sur les différentes strates de la biodiversité ? Lisez le dernier document de position de Slow Food (en anglais) « If biodiversity is alive, so is the planet » : Version longue | Version courte
  • Si vous souhaitez en savoir plus sur les stratégies De la ferme à l’assiette et sur la biodiversité, consultez l’analyse de Slow Food Europe.
  • Si vous avez manqué le marathon de Slow Food Climate Action, rattrapez-vous avec les vidéos !

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