Ces mains étrangères qui nous nourrissent

08 Août 2015

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Des recherches sur les différents impacts de l’immigration sur l’industrie laitière ont conclu qu’une diminution de 50% des travailleurs étrangers entrainerait la disparition de 2266 fermes laitières. Le secteur agricole est dominé par les immigrés (environ deux tiers des travailleurs) et quasiment un tiers des emplois du secteur de la viande, parmi les plus dangereux aux États-Unis, sont confiés à ces étrangers.

La présence d’une main d’œuvre étrangère dans les champs américains n’a rien de nouveau. Entre le XVIIème et le XIXème siècle, des dizaines de milliers d’esclaves africains ont subi le travail forcé, suivis par les immigrés d’Europe et d’Asie, embourbés dans des contrats de servitude. On estime actuellement que les Mexicains constituent la moitié des immigrés illégaux.

Cette main d’œuvre immigrée empêche-t-elle les Américains d’accéder au marché du travail ? Lorsque le syndicat américain des travailleurs agricoles, l’United Farm Workers union, a lancé une campagne faisant découvrir aux chômeurs les emplois agricoles, seuls trois individus ont accepté le travail sur des milliers de demandes d’information, et cela pendant une période où le chômage frôlait les 10% et où bon nombre d’individus souffraient financièrement de la crise mondiale.

Il est difficile d’établir le nombre précis d’immigrés illégaux travaillant aux États-Unis. La multitude de travailleurs étrangers n’est pas entièrement déclarée, en partie parce que bon nombre d’entre eux atteignent le pays illégalement.

Ne pas avoir de papiers expose les immigrés à différents abus : violence, mal-logement, conditions de travail dangereuses et exclusion du droit du travail figurent parmi les problèmes qu’ils doivent affronter. Pour couronner le tout, malgré leur incontestable contribution au secteur, en termes économiques (on estime qu’au moins la moitié d’entre eux paie l’impôt sur le revenu, souvent à des taux supérieurs) et communautaires, les travailleurs immigrés manquent de leviers politiques, sont souvent incapables de se faire entendre par peur d’être reconduits à la frontière et finissent alors par glisser dans l’isolement.

Selon The Hands that Feed Us, un document produit par la Food Chain Workers Alliance (Alliance des travailleurs du secteur alimentaire), les travailleurs sans papiers subissent deux fois plus de non versement des salaires que les autres travailleurs (39,9%), alors qu’ils gagnent également, en moyenne, moins d’argent par heure effectuée. Enfin, 43,6% de tous les travailleurs immigrés interrogés déclarent gagner un salaire inférieur au revenu minimum. En réalité, indépendamment de la main d’œuvre immigrée, 61% des travailleurs agricoles américains sont des travailleurs pauvres.

Le documentaire Food Chains identifie les grands groupes comme les premiers exploitants des travailleurs agricoles immigrés. Il explique comment les gigantesques chaines de supermarchés maintiennent des prix artificiellement bas en dépit de l’augmentation des autres coûts. Les salaires des travailleurs agricoles ne peuvent que pâtir de ces prix : pour survivre, les exploitants n’ont pas d’autre choix que d’engager des travailleurs à bas coût.

Quelles sont les solutions mises en place ?

Plusieurs initiatives visant à combattre ces abus ont commencé à émerger. La campagne anti-esclavage menée par la Coalition of Immokalee Workers (CIW, la Coalition des travailleurs d’Immokalee) a enquêté, révélé et porté devant la justice de nombreux cas d’esclavage agricole concernant plusieurs états et de nombreux travailleurs à travers le sud-est des États-Unis.

Le CIW a également mis en place la Campagne nationale pour une alimentation équitable, qui informe les consommateurs des problèmes liés à l’exploitation des travailleurs agricoles, leurs causes et leurs solutions et crée des alliances entre travailleurs et consommateurs. À travers le Fair Food Premium (Supplément équitable), les acheteurs participants s’engagent à payer un supplément au prix de leurs tomates ; bien que faible, il contribue à alléger les difficultés économiques rencontrées par les travailleurs agricoles. Quant au Code de conduite équitable, il pousse les consommateurs à ne plus acheter les produits des exploitants qui ne le respectent pas.

La sphère politique offre également son lot d’initiatives. Un éventuel projet octroyant aux travailleurs agricoles californiens des permis de travail dénote un certain progrès. Il profiterait non seulement beaucoup aux travailleurs sans papiers de l’état, qui représentent 29% des employés du secteur agricole, mais permettrait également de reconnaître leur rôle essentiel et le besoin de protéger leurs droits.

Jonathan Moody
[email protected]

Sources (en anglais) :

https://www.sandiegouniontribune.com/news/2015/jul/19/immigration-farmworkers-luis-alejo-agriculture/
https://hungerreport.org/featured/immigrants-us-food-system/
https://www.voanews.com/content/us-farmers-depend-on-illegal-immigrants-100541644/162082.html
https://www.extension.org/pages/9960/migrant-farm-workers:-our-nations-invisible-population#.Vaz011btWrs
https://www.wine-searcher.com/m/2015/07/vineyard-needs-prompt-action-over-illegal-workers
https://news.vice.com/article/undocumented-immigrants-pay-billions-in-taxes-to-fund-programs-theyre-banned-from-using

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