Catastrophe ! L’AOP Camembert de Normandie va autoriser la pasteurisation

02 Mar 2018

Décidément, l’histoire se répète. L’AOP normande n’a pas tiré la leçon du passé, elle s’enfonce inexorablement dans la médiocrité. En voulant faire retirer le terme Normandie des camemberts industriels, en somme faire appliquer la loi, l’AOP Camembert de Normandie hérite du pire scénario que l’on pouvait attendre de ce bras de fer entre fabricants de camembert au lait cru sous AOP et fabricants du « fabriqué en Normandie », industriel, dont Lactalis est de loin le premier opérateur avec 95 % de la production.

La fin du « Fabriqué en » est troquée contre une AOP pour tous, déclinée en deux versions : une version de base sous le nom actuel « Camembert de Normandie » et une version plus qualitative, sous le nom de « Véritable camembert de Normandie ».

Avec cette décision, 9 camemberts AOP sur 10 vont être pasteurisés et industriels, fabriqués à la chaîne comme de vulgaires produits.

L’association Fromages de Terroirs dénonce un détournement grave de l’AOP qui donne en vérité aux industriels ce qu’ils avaient tenté d’obtenir en 2007 lorsqu’ils avaient réclamé la pasteurisation.

On sait ce qu’il advient de l’autorisation de la pasteurisation dans les AOP – course au volume, standardisation, disparition des fermiers – et l’empilement des sous labels qui ne crée que de la confusion pour le consommateur.
L’entrée des marques industrielles dans le périmètre de l’AOP, est la mort programmée du véritable camembert !

Hier, la réunion « de la dernière chance » a abouti à cette imposture ! Les protagonistes de la longue bataille qui oppose les fabricants de « camembert fabriqué en Normandie, aux opérateurs de l’AOP Camembert de Normandie au lait cru, ont tranché.

La filière s’oriente vers une AOP élargie, avec deux niveaux :

– Une version plancher autorisera la dénomination commerciale « Camembert de Normandie », venant remplacer le « Camembert fabriqué en ». Cette version autorisera le lait pasteurisé et imposera une normandisation des troupeaux à hauteur de 30%. Mais, rien n’est précisé pour les 70% restant, le lait ne bénéficie pas de cahier des charges, il peut donc continuer à venir de partout. La fabrication restera très industrielle, à la chaîne comme c’est le cas actuellement pour les marques Président, Lanquetot, Lepetit, Cœur de Lion, le Rustique… Le pâturage serait rendu obligatoire 6 mois de l’année, avec une part d’herbe minimale dans la ration estivale (25 ares d’herbe par vache). Les conditions de production devraient être cadrées afin de garantir le caractère mi-lactique mi-présure qui caractérise le camembert traditionnel mais en aucun cas, elles n’offriront la qualité d’un camembert digne d’une AOP.

– Une version plus haut de gamme, strictement au lait cru, baptisée « Véritable Camembert de Normandie », voulant se substituer à l’actuelle AOP, avec des critères d’exigence relevés. La part de Normandes serait portée à 70% contre 50% actuellement, (imposés depuis mai 2017). Le bocage va être revalorisé : 100 mètres de haies devraient être présents par hectare de pâture, pour encourager la biodiversité. La ration hivernale devrait comporter obligatoirement une proportion d’herbe. De bien minces avancées !

Pour les deux catégories de l’AOP, des règles générales vont également s’appliquer comme la suppression des OGM dans l’alimentation pour l’ensemble des producteurs. La zone pourrait intégrer les actuels producteurs hors zone dans l’Eure, la Seine-Maritime, la Manche, l’Orne et le Calvados.

Les Normands exhument donc Le « Véritable camembert de Normandie », dénomination qui avait disparue en 1983 lors de la naissance de l’AOP. Elle est censée porter le « très haut de gamme » sauf qu’en autorisant la pasteurisation, c‘est la mort de l’AOP en tant que telle.
La cohabitation lait cru-lait pasteurisé, pratiquée dans 50 % des AOP nationales, pont- l’évêque, neufchâtel, livarot, ossau-iraty, saint-nectaire, cantal, fourmes d’Ambert et de Montbrison, bleu d’Auvergne, époisses, maroilles, munster… n’ont entraîné que médiocrité et tensions dans la filière laitière, accélérant la disparition des fermiers.

D’autres AOP admettent différentes déclinaisons : le beaufort (versions « été » et « chalet d’alpage »), le laguiole (« Grand Aubrac »), le salers (« Tradition ») … mais elles sont toutes au lait cru, ce qui maintient une qualité optimale et une reconnaissance unique.

La nouvelle règle ne devrait pas être effective avant 2021. Une commission d’enquête nommée par l’Inao aura pour mission de lancer les travaux sur la définition de la nouvelle zone et les conditions de production.

Faits et chiffres :

Le camembert de Normandie AOP au lait cru a obtenu l’AOC en 1983 et l’AOP en 2007. L’AOP actuelle produit 5 400 tonnes en 2017 soit 6 % de la fabrication totale du camembert.
Les 94% restant sont industriels : Lactalis représente hors AOP et en AOP, 95% de la production.

Liste des opérateurs et des marques dans l’AOP Camembert de Normandie au lait cru

Les fermiers

  •  Ferme du Champ Secret, dirigée par Patrick Mercier, à la Novère dans l’Orne. Marque : Champ Secret.
  •  Ferme de la Héronnière, à Camembert dans l’Orne, récemment reprise par Nicolas. Durand. Marque : François Durand.

Les laiteries

  •   Laiterie de Saint-Hilaire-de-Briouze – Fromagerie Gillot détenue par la famille Fléchard. Marques : Gillot, Marie Harel et Saint-Hilaire. 45 % des parts de marché de l’AOP .
  •  Domaine de Saint-Loup – Ex-Graindorge, détenue par Lactalis. Marques : Domaine du Plessis, Fleuron du Plessis, Domaine de Saint-Loup, La Petite Normande et E.Graindorge.
  •  Fromagerie de Jort, détenue par Lactalis. Marque : Jort.
  •  Fromagerie du Moulin de Carel, détenue par Lactalis. Marque : Moulin de Carel.
  •  Fromagerie d’Orbec, à Orbec-en-Auge, détenue par Lactalis. Marque : Bourdon. Lactalis détient 50% des parts de marché de l’AOP.
  •  Fromagerie du Val-de-Sienne, détenue par Pascal Beillevaire et Pierre Marty. Marques : Pré Saint-Jean, Le Bon Choix et Beillevaire.
  •  Coopérative Isigny-Sainte-Mère. Marque : Isigny-Sainte-Mère.
  •  Fromagerie Réaux, détenue par Maîtres Laitiers du Cotentin-Groupe Distrais. Marques : Réo et Le Gaslonde.
  •  Fromages de Stéphanie, à Saint-Léger-sur-Sarthe dans l’Orne, détenue par Stéphanie Conrad. Marque : Les Fromages de Stéphanie.

 

Communiqué de presse de l’Association Fromages de Terroirs

 

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