Kobane : un défi écologique pour l’humanité
30 Nov 2016


À Kobane, les potagers cultivés dans 10 écoles de villages locaux sont plus que de simples lopins de terre, ils sont le symbole de la liberté et de la volonté de reconstruire ce que la violence et la guerre ont balayé pendant trop longtemps.
« Notre terre est extrêmement riche, elle possède une couleur rouge intense et un parfum spécial, après la pluie. Le printemps nous rappelle alors qu’elle peut nous offrir de belles récoltes de blé, d’orge et de céréales. » Tels sont les mots d’un délégué du Ministère de l’eau et de l’agriculture de Kobane, au sujet du projet de jardins potagers dans les écoles locales, réalisés notamment grâce au soutien de Slow Food. Ce ministère est organisé selon le modèle politique du confédéralisme démocratique, basé sur un gouvernement autonome, l’autodéfense, l’écologie et la parité, dans un contexte de pluralisme ethnique fort. Le Rojava, canton comprenant la ville de Kobane, n’est pas seulement habité par la population kurde, mais par une confédération de peuples. Nous nous trouvons dans une région qui poursuit chaque jour un nouveau modèle de vivre ensemble, où l’identité est déclinée de manière inclusive et où la solidarité joue un rôle central entre toutes les ethnies (arabes, assyriens, arméniens, tchétchènes, turkmènes) habitant la région.
Au Terra Madre Salone del Gusto du mois de septembre, nous avons rencontré les membres de la délégation de Kobane, dont Berivan Al Hussain, l’un des 7000 délégués de Terra Madre issus de 143 pays. Il nous a décrit son implication à créer des jardins dans les écoles de 10 villages et les formes d’agriculture dans cette partie du monde. Les jardins y sont bien plus que de simples lopins de terre : ils sont le symbole de la liberté d’un peuple et d’une terre connue pour être le berceau des civilisations. Une liberté mise en danger par la répression de l’EI, qui a détruit de nombreux puits et miné les terrains agricoles, causant la mort de nombreux agriculteurs.
Avant la guerre, le Rojava était riche de cultures. Depuis la destruction des puits, de nombreuses zones souffrent du manque d’eau, mais on survit toutefois en cultivant les végétaux peu gourmands. Les techniques séculaires de culture (qui remontent à des temps très anciens, ceux des grandes civilisations qui se sont développées sur les rives du Tigre et de l’Euphrate) ont permis aux populations locales de retrouver l’usage commun de leurs terres. Dans certains villages à moitié détruits par la guerre, entourés de prairies vertes et de vaches broutant en liberté, les familles ont décidé de revenir habiter les terres libérées de la violence. Tous voient aujourd’hui comme une nécessité, la mise en place d’un processus de reconstruction profonde en lien étroit avec la terre, en la rendant de nouveau productive, en se nourrissant de nouveau de ses fruits et en redonnant espoir aux nombreux Syriens qui vivent encore dans l’insécurité la plus totale.
« Nous avons été accueillis dans les villages autour de Kobane par les délégués des Maisons du peuple, où se réunissent les assemblées de village, pour discuter collectivement des besoins et des problèmes de la communauté. Les référents des écoles intéressées par les jardins nous ont accueillis chez eux pour nous offrir le çai (un thé kurde typique, de couleur rouge), avant de nous emmener visiter les espaces dédiés au projet. La première école se trouve à Alpalor, les autres dans les villages de Mnazi, Caracoil, Pender, Zalek, Talek, Kazine ou Tel Hajeb… Ces 10 jardins deviendront de véritables laboratoires de découverte de la biodiversité et d’attention à la terre pour les enseignants et les élèves impliqués. »
Mustafa, ancien enseignant de l’école d’Haleng, nous a raconté qu’avant la guerre, 1000 enfants fréquentaient cette école. Ils ne sont aujourd’hui plus que 600. « Renouer avec la terre à partir des plus jeunes nous semble fondamental. Nous avons grandi sur ces terres et nous n’avons pas voulu les abandonner. En tant que peuple d’agriculteurs et d’éleveurs, nos techniques millénaires ont toujours su offrir de belles récoltes. »
Les maîtresses nous ont décrit le changement de situation depuis la fin du régime du parti Baas : en ligne avec le projet politique du confédéralisme démocratique, les activités scolaires sont maintenant destinées à promouvoir la liberté des enfants, dans tous les domaines. Y figurent l’enseignement de la langue kurde, auparavant interdite, et de l’écologie comme principe fondamental de la société. La culture des arbres fruitiers était découragée par le régime, au profit des monocultures céréalières. Il existe aujourd’hui une volonté de mettre en place, autour de Kobane, la culture de figuiers, de grenadiers et de légumes pour la consommation des familles et de la communauté.
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