Il faut faire des compliments au ministère français de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (déjà le nom en dit long) emmené par Ségolène Royal, qui a lancé un programme (sérieux) de protection des colonies d’abeilles. Ce programme suit celui, peut-être un peu moins résolu, annoncé mardi dernier par les Etats-Unis,. Mais analysons les stratégies dans le détail.
Dans les deux cas, le rétablissement des zones de croissance des insectes, comme les parcs et les jardins, est préconisé. Plus particulièrement, en France, on envisage de récupérer les bordures vertes des routes françaises qui seront fauchées plus tardivement afin de créer des jachères fleuries. Cette pratique permettra d’augmenter la diversité des insectes pollinisateurs d’environ 30%. Le Ministère annonce que la mesure « sera appliquée sur les 12 000 km du réseau national non concédé. »
Mais la ministre française Ségolène Royal ne s’arrête pas là. Décidée, elle se lance aussi dans la bataille contre l’utilisation des néonicotinoïdes, les principaux responsables de la mortalité élevée des colonies d’abeilles : « Il ne s’agit pas seulement de renouveler le moratoire qui se termine en 2015, mais plutôt de l’élargir à d’autres substances et pratiques. »
Le moratoire actuellement en vigueur en Europe – et qui, soulignons-le à nouveau, se termine cette année – interdit quatre principes actifs, dont trois appartiennent à la famille des néonicotinoïdes, et en régule l’utilisation. Il ne prévoit pas l’interdiction de l’utilisation de ces pesticides sur certaines céréales d’hiver. Par ailleurs le thiaclopride et l’acétamipride ne sont pas inclus dans le moratoire, même s’il s’agit de néonicotinoïdes…
Pour toutes ces raisons, la ministre française de l’Ecologie a décidé de ne pas attendre l’évolution de la législation européenne, et a demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de « définir de nouvelles restrictions à l’utilisation » des néonicotinoïdes en France. Parce que si l’on attend l’Europe… Justement du fait de l’inertie (ou du manque de volonté ?) de l’Union Européenne, l’interdiction totale ne semble pas envisageable. Royal aurait en effet déclaré au Figaro que « le cadre européen ne permet pas une interdiction complète ».
Royal ne se contente pas des interdictions et a prévu des mesures économiques de soutien à qui opte pour une agriculture plus propre et n’utilise pas de néonicotinoïdes.
Et aux Etats Unis? Comme les français, ils ont décidé que le temps est venu d’intervenir, mais leur attitude par rapport aux pesticides est plus nuancée. En avril dernier seulement (il n’est jamais trop tard…) l’ Agence pour l’environnement américaine a annoncé l’interdiction de commercialisation des nouveaux néonicotinoïdes. Dans le nouveau plan annoncé en grandes pompes par la Maison Blanche, on est plus modéré, attendu que par ailleurs « les insecticides jouent un rôle clef dans la production agricole et dans la santé de notre société ». Presque comme les abeilles, commentait hier Silvia Bencivelli sur le quotidien italien La Repubblica, « mais avec plus d’intérêts électoraux à les défendre » On ne peut qu’être d’accord avec elle. Quelques données pour s’en convaincre ?
La population des insectes pollinisateurs – et en premier lieu d’abeilles – qui assurent 80% de la reproduction des plantes, a diminué de façon vertigineuse au cours des dernières années : « La situation est catastrophique. Le taux de mortalité des abeilles en France atteint en moyenne 30%, pour arriver dans certaines zones à 60% » explique Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française. Aux Etats-Unis? Il oscille entre 60 et 80 %.
En Italie la situation n’est pas meilleure : en septembre 2014, Conapi et Unaapi estimaient une production de miel en baisse de 50%. Les colonies d’abeilles ? Selon scientificast.it, les 5 dernières années ont vu une diminution des ruches de 20 à 30%.
Rappelons ici que sans les abeilles il n’y aura plus à manger : 39 espèces végétales sur les 57 cultures les plus répandues bénéficient du précieux service de pollinisation, sans oublier son importance fondamentale dans la reproduction d’une grande partie des espèces végétales spontanées plus évoluées.
Par Michela Marchi
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Sources :
La Repubblica du 25 mai 2015
Le Figaro
Le Monde
www.scientificast.it