Sauvegarde de la biodiversité : les gardiens et gardiennes de semences à l’honneur pour la Journée mondiale de la biodiversité

En 2025, la Journée mondiale de la biodiversité aura lieu tout juste quelques semaines après la publication du « Troisième rapport sur l’état des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde » de la FAO, qui, publié 15 ans après le deuxième rapport, vise à étudier et à cartographier la santé de la biodiversité agricole.

Ce rapport présente la diversité génétique comme un facteur essentiel pour créer des systèmes agroalimentaires plus résilients capables de résister aux enjeux actuels tels que les changements climatiques. Alors que notre alimentation est constituée à 80 % de végétaux, le fait de préserver la plus grande diversité possible de matériel génétique permet aux agriculteurs de cultiver des semences et des variétés adaptées à leur environnement local, et ainsi de renforcer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance.

Alors que la faim, la malnutrition et la pauvreté gagnent du terrain dans le monde entier, accentuées par la perte de biodiversité, la crise climatique, la dégradation des sols et les conflits, il devient urgent d’enrayer la perte du patrimoine génétique végétal, essentiel pour les systèmes agroalimentaires. Même si le nombre de variétés stockées ex-situ dans des banques de semences réfrigérées semble rassurant, environ 20 % des semences répertoriées doivent en réalité passer par une étape de stratification pour préparer la germination et les connaissances techniques sur ce processus sont trop souvent manquantes. D’ailleurs, le savoir-faire traditionnel relatif aux semences est très rarement documenté.

Dans de nombreux pays, les politiques favorisant la biodiversité sur les terres agricoles sont inexistantes, ou n’impliquent pas suffisamment toutes les parties prenantes. En revanche, des organisations informelles de protection des semences sont apparues dans l’ensemble des 128 États qui ont contribué au rapport de la FAO, composées d’agriculteurs et de communautés locales prêts à un rôle central dans la conservation de la biodiversité agricole et la défense des droits des agriculteurs. Nous avons besoin d’un cadre juridique capable de soutenir et de développer l’agroécologie, afin d’offrir une voie de transition vers des systèmes alimentaires durables. Nous recherchons également le soutien des institutions à tous les niveaux, afin de contrer la menace sérieuse qui pèse sur la sécurité alimentaire mondiale », a déclaré Edward Mukiibi, président de Slow Food, qui se définit lui-même comme un « cultivateur de semences ».  « Les systèmes de production industrielle détruisent la biodiversité agricole : en limitant la diversité des espèces cultivées, ils rendent les écosystèmes plus vulnérables et mettent en péril notre alimentation et notre avenir. Ces méthodes nécessitent également une utilisation intensive de produits chimiques qui polluent l’environnement et nuisent à la résilience des systèmes agricoles. Si nous voulons nourrir les populations, nous devons les aider à cultiver des variétés locales. »

Le réseau de militants Slow Food du monde entier lutte contre la perte de biodiversité agricole en favorisant la protection, l’échange et la culture des semences traditionnelles. Voici quelques témoignages de femmes, d’agriculteurs et de militants qui ont placé ce combat au cœur de leur vie quotidienne.

Leidy Casimiro, conseillère internationale de Slow Food pour l’Amérique latine et les Caraïbes, Cuba : à Cuba, Slow Food a mis en œuvre plusieurs actions stratégiques pour sauvegarder les semences, basées sur une approche agroécologique approfondie et des expériences approfondies. Ainsi, les fermes du projet Fermes Familiales Slow Food  sont indépendantes à plus de 90 % dans l’achat et la conservation de semences résistantes adaptées à leur milieu environnemental et socioculturel. Elles contribuent aux échanges de semences entre les agriculteurs et les communautés du pays. La majorité de ces semences sont remises à des pépinières locales qui s’occupent de la reproduction la redistribution. Des projets de collaboration internationale qui favorisent la création de réseaux et de salons sur l’agrobiodiversité ont également émergé. Nous impliquons les femmes dans la conservation des aliments et la production de semences ; en participant activement, avec leurs familles, à la sélection, l’expérimentation, la multiplication et la conservation des semences, elles ont trouvé une solution viable pour augmenter les rendements des récoltes grâce à une plus grande variété d’espèces cultivées. Nous avons répertorié 52 produits cubains à l’Arche du Goût, le plus grand catalogue mondial de la biodiversité culturelle et traditionnelle liée à l’alimentation et à l’agriculture créé par Slow Food, et identifié de nouveaux produits que nous souhaitons protéger, tels que, entre autres, le malanga violet, le miel de l’abeille melipona, le porc créole, le manioc et la pomme de terre cultivée en agroécologie. »

Melissa de Billot, conseillère internationale de Slow Food pour la biodiversité, Afrique du Sud : « J’ai commencé à cultiver ma propre nourriture dans mon jardin, dans une zone urbaine, et pendant de nombreuses années et j’ai appris à conserver mes propres semences. Depuis que je travaille sur l’Arche du Goût, le plus grand catalogue mondial d’aliments en voie de disparition, j’ai commencé à collecter des semences traditionnelles rares et menacées en Afrique du Sud, comme le maïs arc-en-ciel (qui est devenu Sentinelle Slow Food, une initiative qui vise à constituer un réseau de producteurs pour les aider à poursuivre leur travail inestimable grâce à un soutien technique, des activités promotionnelles et des échanges avec des experts). Nos autres semences répertoriées au sein de l’Arche du Goût sont la courge Flat white Boer, la morelle noire, le concombre cornu d’Afrique kiwano, les haricots jugo, le citron rugueux du Cap, ainsi que les niébés, les haricots de Lima, le sorgho et le millet. Ces semences sont distribuées localement aux agriculteurs et aux particuliers détenant des potagers afin qu’ils puissent les diffuser et raconter leur histoire dans l’espoir de raviver l’intérêt pour les aliments traditionnels. Mon jardin potager, The Seed Studio, a été intégré au projet des Slow Food farms. J’ai l’espoir qu’en développant le réseau Slow Food farms, nous pourrons étendre la campagne de conservation des semences, en formant les agriculteurs et les producteurs de à conserver leurs propres semences et en créant des banques de semences communautaires. Il s’agit d’une étape clé pour favoriser la biodiversité en agriculture. »

Claudia Rânja, Slow Food Târgu Mureș, Roumanie : « Ma passion pour les semences est née à l’automne 2016, lorsque je me suis portée volontaire au Forum Nyéléni pour la souveraineté alimentaire, qui s’est tenu à Cluj-Napoca, en Roumanie. Au printemps 2017, j’ai alors commencé mon aventure de cultivatrice sur des terres prêtées, avec 32 variétés de semences paysannes à pollinisation libre. Depuis, ma bibliothèque de semences (que j’ai appelée FLORA, en hommage à ma mère) s’est enrichie de près d’un millier de semences différentes à pollinisation libre. Chaque année, je cultive une multitude de variétés annuelles qui viennent s’ajouter aux nombreuses plantes vivaces que j’ai plantées au cours des huit dernières années, en pratiquant l’agroécologique l’agroforesterie pour apporter équilibre et résilience au potager, offrir un habitat à la faune locale et produire de la nourriture en abondance. Chaque début d’année, je planifie la saison de culture, en triant les graines que j’ai ou que je veux reproduire et conserver (entre 70 et 100 variétés différentes par saison) afin d’alimenter ma bibliothèque de semences. Je partage les graines excédentaires avec les jardins potagers Slow Food des écoles de Târgu Mureș et d’autres projets pédagogiques impliquant des enfants, ou encore avec d’autres gardiens de semences. »

Pour en savoir plus sur les activités de Slow Food dans le monde, rendez-vous sur le site https://www.slowfood.com/fr/nos-activites/

Pour plus d’informations sur la Journée mondiale de la biodiversité, rendez-vous sur : https://www.cbd.int/biodiversity-day